lundi 22 mai 2017

Enquête du RSHCQ (3 de 3) - Les buts et compétences du programme


L’enquête auprès des professeurs et coordonnateurs du réseau (menée par un comité du RSHCQ formé lors de l’assemblée générale de juin 2016*) se poursuit. Suite au premier billet qui présentait les souhaits concernant la réforme et au deuxième billet faisant état des résultats concernant les cours de méthodologie et l’épreuve synthèse, ce troisième et dernier billet présente les résultats concernant les buts généraux et les compétences spécifiques du programme.

Concernant les buts généraux

Les buts du programme

Le programme Sciences humaines est structuré autour de buts généraux et de compétences spécifiques. Il comporte neuf buts, dont voici la nomenclature :

distinguer les principaux faits, notions et concepts de nature disciplinaire et transdisciplinaire reliés à l’objet d’étude, le phénomène humain;

expliquer des théories, des lois, des modèles, des écoles de pensée en lien avec leurs auteurs et avec les réalités concernées;

situer divers enjeux relatifs à la citoyenneté dans un contexte de mondialisation;

démontrer les qualités d’un esprit scientifique et critique ainsi que des habiletés liées à des méthodes, tant qualitatives que quantitatives, appropriées aux sciences humaines;

utiliser des méthodes de travail et de recherche nécessaires à la poursuite de ses études;

utiliser les technologies de traitement de l’information appropriées;

communiquer sa pensée de façon claire et correcte en langue d’enseignement;

lire et comprendre des documents de base en sciences humaines diffusés en langue seconde;

intégrer ses acquis tout au cours de sa démarche d’apprentissage dans le programme.

La contribution des programmes à l’atteinte des buts généraux

Entre 82 et 93% des répondants pensent que le programme Sciences humaines de leur établissement contribue grandement ou très grandement à l’atteinte de la plupart des buts. Trois buts font exception à ce constat général : l’appropriation des technologies de traitement de l’information (no 6, 73,3%), la lecture de documents de base en langue seconde (no 8, 26,7%) et l’intégration des acquis tout au cours de sa démarche (no 9, 68,9%).

Concernant l’appropriation des technologies (no 6), les répondants qui l’ont commenté estiment que l’enseignement en sciences humaines devrait intégrer davantage les nouvelles technologies d’information et de communication ou qu’il n’y a pas assez de cours prenant ce but en charge. De plus, on souligne que les établissements ne fournissent pas l’équipement nécessaire pour atteindre ce but. On affirme par ailleurs que plusieurs étudiants n’ont pas les connaissances technologiques de base nécessaires à cette fin.

Concernant la langue seconde (dans la plupart des cas l’anglais), c’est le but qui suscite le plus de commentaires (n=26). Certains considèrent que l’acquisition de l’anglais est importante, mais qu’il faut d’abord mettre l’accent sur le français, dont la maîtrise est insuffisante chez plusieurs étudiants. On mentionne d’ailleurs que la lecture en sciences humaines dans une langue seconde exige des capacités langagières que peu d’étudiants possèdent, tout comme plusieurs professeurs ne sont pas suffisamment bilingues pour s’approprier ce but. En dehors de l’ESP, il semble que la présence de l’anglais soit marginale en bien des endroits. Sous un autre angle, l’intégration de textes en langue seconde ne signifie pas l’atteinte du but. On note d’ailleurs la difficulté de trouver des textes en anglais qui soient pertinents et de niveau adéquat tant au plan langagier qu’au plan disciplinaire, en ajoutant que c’est déjà un gros défi que de faire lire les étudiants en français. Enfin, certains mentionnent que c’est une question de culture de l’établissement ou de la région (faible utilisation de l’anglais). Pour les quelques collèges anglophones ou bilingues, la même situation se présente, le français n’étant pas forcément une exigence en pratique même s’il figure parmi les buts du programme.

Concernant l’intégration des acquis, 70% des répondants jugent que leur programme contribue grandement ou très grandement à l’atteinte de ce but. Les autres, du moins ceux qui ont commenté, sont partagés. Pour certains, ce n’est pas la prise en compte du but qui pose problème, mais le résultat de l’opération. En d’autres termes, ce n’est pas parce que les cours ou les enseignants visent un objectif que ce dernier sera forcément atteint par les étudiants. Toutefois, la plupart des commentaires expriment surtout un déficit global d’intégration, soit parce que les professeurs privilégient leur discipline sans tenir compte des autres, soit parce que les liens entre les cours ne sont pas possibles à faire, soit parce que peu de cours contribuent à la prise en charge de ces buts, soit parce que l’intégration arrive seulement en fin de parcours alors qu’elle devrait avoir lieu tout au long du programme. Enfin, on soulève le caractère plus ou moins réaliste de l’objectif d’intégration et de transfert des acquis « compte tenu du degré de maturité intellectuelle des étudiants de 16 à 18 ans... ».

Des commentaires généraux sur les buts généraux

Le questionnaire de l’enquête demandait également aux répondants des commentaires sur les buts généraux. Voici un compte rendu des 18 réponses obtenues.

D’abord, on estime que ces buts sont très… généraux, ou trop vagues. À ce sujet, on affirme qu’il est difficile de faire autrement (puisqu’il s’agit, justement, de buts généraux), notamment parce que la nomenclature des buts est le résultat de compromis entre disciplines. Il faudrait, pour certains, les simplifier ou les scinder ou en faire une reformulation plus concrète (ce qu’un collège fait en formulant des « objectifs de formation » sous la forme « l’élève sera capable de… »). 

Il y a, ensuite, des éléments à préserver dans les buts. D’abord, les buts eux-mêmes sont adéquats; ils doivent être conservés tels quels car ils offrent de grandes orientations qui tiennent la route tout en permettant une latitude aux professeurs. Il faudrait, de l’avis d’un répondant, conserver les buts liés aux connaissances disciplinaires, même si les buts liés aux méthodes de travail sont importants.

Enfin, quelques préoccupations concernant les buts sont exprimées. Il est question, au premier chef, de les moderniser. Ceux qui ont précisé cette affirmation mentionnent que la formulation « le contexte de mondialisation » est dépassée ou qu’il faudrait tenir compte de la réalité actuelle dans la formulation des buts en mettant l’accent sur l’évaluation des sources et l’utilisation des techniques modernes de communication et de traitement de l’information. Quelques autres préoccupations sont soulevées par les répondants : éviter la spécialisation dans certaines disciplines pour donner aux étudiants une culture générale, clarifier les disciplines responsables des buts et développer le but de citoyenneté, voire même le rattacher à un cours en particulier.

Concernant les compétences spécifiques

Les compétences spécifiques du programme

Le programme Sciences humaines comporte neuf compétences spécifiques, dont voici la nomenclature :

022K. expliquer les bases du comportement humain et des processus mentaux;

022L. reconnaître, dans une perspective historique, les caractéristiques essentielles de la civilisation occidentale;

022M. expliquer les fondements économiques de la vie en société;

022N. discerner l’apport de connaissances disciplinaires à la compréhension du phénomène humain;

022P. appliquer des outils statistiques à l’interprétation de données reliées à des contextes d’études en sciences humaines;

022Q. appliquer la démarche scientifique à une recherche empirique en sciences humaines;

022R. approfondir des connaissances disciplinaires sur le phénomène humain;

022S. appliquer à la compréhension du phénomène humain, dans des situations concrètes, des notions disciplinaires;

022T. démontrer l’intégration personnelle d’apprentissages du programme.

La satisfaction envers les compétences spécifiques du programme

Dans l’ensemble, deux tiers des répondants estiment qu’une ou plusieurs compétences devraient être réécrites, pour les préciser principalement. Ce sont davantage les compétences communes à plusieurs disciplines qui font ici l’objet des préoccupations.

Bien que la volonté de réécriture des compétences soit répandue, la satisfaction envers les compétences du programme est très élevée, allant de 89 à 100% de répondants satisfaits. Trois compétences font ici exception, soit:

022N. Discerner l’apport de connaissances disciplinaires à la compréhension du phénomène humain (71% se disent satisfaits);

022R. Approfondir des connaissances disciplinaires sur le phénomène humain (78% se disent satisfaits);

022S. Appliquer à la compréhension du phénomène humain, dans des situations concrètes, des notions disciplinaires (76% se disent satisfaits).

Seize personnes ont formulé des commentaires sur les compétences spécifiques. Elles étaient invitées à le faire lorsqu’elles s’identifiaient comme insatisfaites ou très insatisfaites de l’une ou l’autre des compétences.

La séquence « initiation, approfondissement, application », ne pose pas problème en elle-même (85% des répondants affirment d’ailleurs que la séquence est respectée dans leur programme). En effet, ceux qui ont commenté leurs réponses à cette question jugent qu’il s’agit d’une séquence logique, bien que certains souhaiteraient une élévation du niveau des compétences. Ce qui pose problème, selon les répondants, c’est plutôt le caractère vague des libellés de cette séquence (distinction des termes « approfondissement » et « application »), de même que l’absence de références précises aux disciplines. Pour certains, cela laisse une latitude qui n’est pas dénuée d’intérêt, mais plusieurs signalent également beaucoup de problèmes pratiques, dont celui de construire des évaluations cohérentes avec les critères de performance.

Concernant les autres compétences spécifiques, il y a eu peu de commentaires de la part des participants à l’enquête. Au sujet de la compétence portant sur l’intégration (022T); on mentionne qu’elle apparaît trop tardivement dans le programme et qu’elle devrait être l’objet de cours tout au long du cheminement des étudiants. Il est également mentionné que cette compétence est difficile à opérationnaliser et à évaluer. Concernant la compétence 022P (sur les outils statistiques) on y retrouve des remarques qui avaient déjà été formulées dans les questions concernant le cours MQ (voir billet 2), à savoir que les principes d’analyse en sciences humaines devraient avoir préséance sur les principes mathématiques.

Enfin, concernant l’ensemble des compétences, pour certains c’est la notion même qui pose problème, puisque les professeurs travaillent sur des contenus et non pas sur des compétences. Par ailleurs, leur caractère vague et général est souligné encore une fois, ce qui n’engendre pas que du mécontentement, car la marge de manœuvre que laisse le caractère général des compétences (comme celle des buts) est une bonne chose, même si les fils conducteurs pourraient être clarifiés.

En somme

Encore ici, mis à part les libellés peu clairs, on semble assez satisfait de l’esprit qui se dégage des buts et des compétences tels qu’ils sont actuellement conçus. Les changements demandés portent sur la formulation des buts et des compétences et s’apparentent davantage à des précisions et des clarifications. On propose surtout de resserrer et d’améliorer le programme sans le révolutionner. Des fils conducteurs mieux définis pourraient y contribuer, dont plusieurs se dégagent du coup de sonde offert par cette enquête, notamment le développement de l’esprit scientifique, les questions de méthode et d’intégration des acquis... Un autre axe de réflexion qui se dégage est la clarification de séquence d’apprentissage « introduction, approfondissement, application » dont la conceptualisation pose problème depuis sa première formulation. La question de la maîtrise de la langue est aussi soulevée sans que l’on sache très bien comment mieux atteindre cet objectif. Cet enjeu est très important et il mérite davantage de réflexion, tant au niveau national qu’au niveau local. La place de la formation générale et le soutien qu’elle apporte à l’atteinte de ces compétences se trouvent implicitement soulevés ici. 

Ces réflexions, comme celles livrées dans les billets précédents, provenant de collègues d’un grand nombre de cégeps à travers le Québec, constituent un matériau stimulant et précieux pour les échanges du colloque des 8 et 9 juin prochains.

Grand merci à tous les participants au sondage.  


*Le comité était formé au départ de Claire Denis, Cégep de Sherbrooke, Christian Goyette, Collège Ahuntsic, Michel Huot, Cégep Beauce-Appalaches, Chantale Lagacé, Collège Montmorency, Isa Vekeman-Julien, Cégep Limoilou.

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