lundi 28 mai 2012

Une analyse du conflit étudiant; droite contre gauche

Il y a actuellement sur la planète un éveil des consciences citoyennes qui se manifeste par des contestations des pouvoirs institutionnels. Pour en nommer quelques-uns : le printemps arabe (Tunisie, Égypte, …), le mouvement « Occupy »  avec leur fameux slogan 1% contre les 99% tenu dans plusieurs villes en Occident, les grèves étudiants (Chili, Angleterre…), les protestations importantes en Espagne, en Grèce (évidemment), les émeutes au Royaume-Uni (dont celle de Tottenham), etc…
Dans la plupart de ces conflits, on remarque une certaine lutte idéologique. En effet, il faut bien admettre qu’actuellement, le néo-libéralisme est contesté avec vigueur.  Les manifestants sont-ils capables d’articuler un discours cohérent contre le néo-libéralisme ? Ont-ils des solutions claires et définis à proposer comme alternative à cette idéologie qui dominent depuis une trentaine d’années? Pour la plupart d’entre eux, non.

Le mouvement étudiant au Québec s’inscrit dans ce contexte élargi. Dès le départ, bien que strictement centré sur la hausse des droits de scolarité, la contestation couvrait aussi une position idéologique anti-néo-libéralisme. Dès le départ, les deux camps se sont positionnés :  à gauche pour les étudiants, à droite pour le gouvernement Charest - pour reprendre la division classique des idéologies. Rapidement, ils se sont radicalisés en campant sur leur position. Malheureusement, avec  les jours qui passent, la sortie de crise devient de plus en plus difficile.
À gauche, les étudiants au carré rouge ont sorti des arguments solides. Jetons-y un coup d’œil. Ils veulent un gel des droits de scolarité (même la gratuité scolaire pour le Classe) parce que :
 

Représentants étudiants
1)      L’éducation supérieure est un «bien commun». Elle doit demeurer accessible à tous.
2)      Puisqu’il s’agit d’un bien commun, l’éducation est un droit humain fondamental.
3)      A contrario, l’éducation n’est pas une marchandise à vendre sur un marché de consommateurs.
4)      Les universités sont mal gérées car les ressources financières sont  mal réparties.


À droite, le gouvernement Charest a aussi développé un argumentaire bien ficelé :
Un gouvernement néo-libéral
1) Selon un «consensus social», les universités sont sous-financées depuis plusieurs années.
2) Or, les étudiants payent les droits de scolarité les moins élevés au Canada.
3) Donc, les étudiants doivent faire leur «juste part» et contribuer davantage au financement universitaire.
4) Nos universités doivent être de classe mondiale et compétitionner avec les meilleures.
Les deux camps ont vertement critiqué l’argumentaire adverse. À gauche, on a remis en question le consensus social sur le sous-financement. Il n’y aurait pas tant que ça de sous-financement mais de mal financement des services universitaires. Bien qu’étant les moins élevés au Canada, les droits de scolarité au Québec demeurent parmi les plus élevés au monde. La «juste part» est-elle faite par les corporations minières, les 1%? Les universités n’ont pas à compétitionner ? Elles offrent un service public à sa population. Elles doivent uniquement se concentrer à offrir le meilleur service possible aux étudiants.
À droite, on a aussi fait sa cavale. Elle a porté essentiellement sur l’accessibilité aux études sup. Je dirais que le gouvernement, avec son offre du 27 avril[1], a fait un effort pour se rapprocher de la position idéologique des étudiants au carré rouge – notamment en ce qui a trait à l’accessibilité aux études sup. Perso., j’ai bien cru que ça passerait! Mais non. Après 22 heures de négociation, l’offre du 5 mai[2] a été signée par toutes les parties.  Dans cette offre, la création d’un Conseil provisoire des universités répondait à l’argumentaire des étudiants qui critiquaient la gestion universitaire. L’offre a été rejetée.
Le choc idéologique entre la gauche et la droite a franchi une étape de plus avec l’adoption de la Loi 78 le 18 mai 2012[3]. Avec cette loi, l’État venait encadrer (un petit peu mais pas tant que cela !) la liberté de manifestation des citoyens québécois. Avec cette loi, l’État a choisi la voie autoritaire. La voie de la négociation devient difficile et la contestation ira en croissant !
Lorsqu’on pense en termes néo-libéraux, la position de l’État se défend ! L’individu a des droits et il faut les préserver. D’ailleurs, la loi 78  se nomme : Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent. Intéressant ! Bien qu’il y ait grève étudiante, les étudiants qui veulent assister à leurs cours y ont droit. Les droits individuels ont préséance sur les droits collectifs. D’ailleurs, avant l’adoption de la Loi 78, une pluie d’injonctions s’était abattue sur le Québec pour faire prévaloir les droits individuels. D’ailleurs, depuis le début du conflit étudiant, le gouvernement n’emploie pas le terme de «grève» mais bien le «boycott» pour nommer le conflit, contestant par le fait même la légitimité des associations étudiantes et leurs fédérations. Le choix des termes n’est pas innocent ! Et dans une perspective néo-libérale, ça se tient.
L’État avait bien essayé de briser le mouvement collectif avant de voter la Loi 78 :
·         En ignorant systématiquement la demande des étudiants de geler les droits de scolarité. On peut parler de tout sauf de la question de fond !
·         En tentant d’isoler la Classe, fédération étudiante jugée trop à gauche. Diviser pour régner, tactique bien illustrée dans le Prince de Machiavel.
·         En refusant de négocier avec  les associations étudiantes qui ne dénoncent pas la violence, une question de principe. En tentant ainsi d’associer les étudiants aux casseurs, l’État laisse d’abord pourrir le conflit. gagne du temps et espère que le mouvement étudiant sera «délégitimé».
·         En laissant entendre que les jeunes sont gâtés avec leur IPhone et que payer  50 cents par jour, c’est tout simplement facile à gober ! En «infantilisant» ici les étudiants, on cherche à leur enlever toute crédibilité. D’ailleurs, les étudiants ont aussi joué le jeu en traitant de «mononcle» le gouvernement Charest.
Depuis l’adoption de la Loi 78, la suspension des cours a par le fait même suspendu la grève! Le conflit sur les droits de scolarité est parti ailleurs.  Il est devenu social si bien que la critique des gouvernements est devenue encore plus acerbe. Schématiquement, on assiste actuellement à un conflit classique droite-gauche. Dans les discours, dans la foule des manifestants, on dénonce les positions et les actions gouvernementales motivées par le néo-libéralisme. On dénonce carrément les actions de Charest et de Harper : l'achat des F-35, la hausse du seuil de la retraite à 67 ans, les mises à pied au fédéral, la modification du programme de l’Assurance-emploi, le conflit chez Air Canada et la menace d’une loi spéciale, la fermeture chez Aveos, la taxe santé, le plan nord, les gaz de schiste, la corruption dans la construction, le financement mafieux des partis politiques, l’impression que l’État «couche» toujours avec les 1%.

Les principes de «l’utilisateur-payeur» et du «privé meilleur que le public» ne passent plus auprès des manifestants. Et Jean Charest est devenu le symbole de cette approche. S’il entendait ce que les manifestants disent de lui!!!  
En ce moment, à la veille de la reprise des négociations, le climat est orageux! Le mouvement est en train de faire boule de neige. Le gouvernement Charest est-il en train d’échapper le ballon? A-t-il toujours les deux mains sur le volant? Les positions et les actions de la droite ont-ils toujours la cote?

Michel Huot, sociologie, CBA


[1] « L'offre du gouvernement du Québec aux étudiants » In Le Huffington Post Québec, En ligne. http://quebec.huffingtonpost.ca/2012/04/27/offre-charest-etudiants_n_1459134.htm. Page consulté le 28 mai 2012.
[2] « Entente concernant le Conseil provisoire des universités ». En ligne.  http://www.droitsdescolarite.com/data/docs/Entente_Etudiante_2012-05-05.pdf, Page consulté le 5 mai 2012.
[3] Assemblée Nationale, «  Projet de loi n°78 : Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent».  En ligne.  http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-78-39-2.htm. Page consulté le 18 mai 2012.

lundi 21 mai 2012

Quelques mises en garde - à propos des médias

Bonjour

Je viens de lire avec intérêt votre billet.

La grève des étudiants contre la hausse des frais de scolarité;
Dis-moi quel média tu consultes et je te dirai si tu es rouge ou vert!
http://rshcq.blogspot.ca/2012/05/lagreve-des-etudiants-contre-la-hausse.html

 Je suis heureux que vous vous intéressiez au phénomène médiatique.  Toutefois, je me permets quelques mises en garde.

1- Ne mélangez pas contenu journalistique et commentaires.
Chaque média compte des commentateurs qui sont libres de leurs orientations et peuvent avoir un parti pris dans la mesure où ils ont la capacité de le défendre.  Le reporter lui doit simplement rapporter la nouvelle de la façon la plus objective et équilibrée qu’il est possible de le faire.  Comme vous vous en doutez ça donne des contenus très différents.

2- Ne mélangez pas commentateur et éditorialisteComme je viens de le mentionner, le commentateur ou chroniqueur doit prendre position et la défendre, même si elle est à l’opposé de celle du journal.  L’éditorialiste lui représente la vision et la position du journal et la défend.  D’un côté, vous pouvez donc avoir Rima Elkouri et Michèle Ouimet et d’un autre André Pratte.  La dualité des opinions permet  une richesse des points de vue.

3- Média et journalisteDonc, la position éditoriale n’a rien à voir avec celle d’un reporter ou d’un chroniqueur.

4- Orientation des médiasPour analyser le contenu de chaque média, je peux vous confirmer qu’aucun média n’a une position unilatérale.  Même si on pouvait être tenté de la croire, de façon très rationnelle je pourrais prendre chacun des médias traditionnels et vous démontrer sans mal que chaque média compte des contre-partis.  Quand un débat devient aussi émotif, c’est normal de croire le contraire.  Dans le contexte actuel, on manque beaucoup de recul.  D’ailleurs, j’avoue qu’il temps que certains lancent un appel au calme.  De plus, je vous confie confidentiellement que depuis 2 semaines, nous remarquons qu’un mot est chaque jour utilisé un peu plus dans les médias sociaux et surtout à la radio hors-Montréal. Il s’agit du mot “armée”.  La masse des médias ne le voit pas encore mais environ tous les 3 jours, le mot armée associé au conflit étudiant voit son utilisation doubler.

5- Crédibilité des médiasLa crédibilité des médias traditionnels est attaquée.  En relations publiques, les centrales syndicales sont les organisations qui utilisent le plus souvent cette stratégie.  Au cours des derniers mois, quand bon nombre de reportages ont lié des “organisations” syndicales à la corruption, plusieurs journalistes ont fait l’objet de menace.  Au lieu de combattre les faits avancés, des leaders syndicaux se sont attaqués aux messagers.  Étonnamment, si bon nombre de citoyens remettent en question la crédibilité des médias traditionnels, ils n’hésitent pas à accorder de la crédibilité à la folle rumeur lancée sur Twitter voulant que Gabriel Nadeau-Dubois soit le fils de Pascal Nadeau (fille de Pierre Nadeau).

Même si les médias traditionnels sont constitués d’égos et parfois de raccourcis agaçants ils jouent un rôle fort positif dans l’ensemble des enjeux de société.  En fait, bien que nos médias soient à mon avis trop régionaux et pas assez ouvert au reste du monde, je ne vois pas vraiment de grandes différences entre nos médias et ceux qu’on peut trouver un peu partout.

J’ajouterais que si CUTV avait avantage à s’ouvrir aux différents angles et idées en se trouvant aux côtés des médias traditionnels, elle ajoute au moins une richesse au débat en donnant de la diversité.

Voilà pour tout de suite.

Bonne journée !

Jean-François Dumas
Président
Influence communication

dimanche 20 mai 2012

La grève des étudiants contre la hausse des frais de scolarité;
Dis-moi quel média tu consultes et je te dirai si tu es rouge ou vert!
La grève a fait couler beaucoup d’encre – énormément d’encre! En fait, selon Influence Communication, elle est la nouvelle la plus importante depuis février :
La couverture du conflit étudiant dans les médias traditionnels :
Date
Poids médias[1]
Rang
14-20 février
0,53
5
21-27 février
2,16
3
28 au 5 mars
1,43
1
6 au 12  mars
1,73
1
13 - 19 mars
1,85
1
20 - 26 mars
2,21
1
27 au 2 avril
2,16
3
3 au 9 avril
2,03
1
10 au 16 avril
3,21
1
17 au 23 avril
4,36
1
24 au 30 avril
6,25
1
1 au 7 mai
6,68
1
8 au 14 mai
8.24
1
                                                Source : Influence Communication
Dans les médias traditionnels (journaux, magazines, télévision, radio), la couverture du conflit étudiant n’a donc cessé d’enfler! Bien que le conflit ait été amplement couvert par les médias trad., peut-on parler d’une couverture de qualité? On sait que la quantité ne garantit pas la qualité! Influence communication a produit un graphique intéressant sur le traitement de l’information :
Traitement médiatique du conflit étudiant :
                   Source : Influence Communication
On constate dès le premier coup d’œil que les arguments des parties ont graduellement cédé du terrain devant la médiatisation des actes de violence. Comme quoi un conflit qui perdure et pourrit se radicalise! Peut-on affirmer que ce conflit est traité par les médias traditionnels avec toute l’objectivité journaliste qu’il mérite? Je suis loin d’être convaincu!
Plusieurs éditorialistes et chroniqueurs ont pris carrément parti pour le gouvernement. Richard Martineau au Journal de Montréal, Gilbert Lavoie au Soleil, André Pratte et Alain Dubuc à la Presse ont beaucoup écrit contre la position des étudiants. Par contre, à la Presse, d’autres journalistes ont été plus conciliants avec la position des étudiants : Lagacé, Elkouri..
 Il y a aussi des sympathisants au Devoir (Josée Boileau), au journal Voir (Josée Legault). Le blogue de Jean-François Lisée (http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/) avait aussi une saveur pro-étudiante.
À la télévision, autre média populaire s’il en est, TVA et V ont semblé pencher vers la position du gouvernement. Quant à Radio-Canada (et son canal de nouvelles en continu RDI), plusieurs téléspectateurs ont noté un penchant vers la position des étudiants. D’ailleurs, même l’ombudsman de Radio-Canada a dû traiter quelques plaintes concernant le supposé «parti pris» des journalistes impliqués. (http://blogues.radio-canada.ca/ombudsman/archives/1616)
Évidemment, l’analyse de contenu de la couverture médiatique du conflit étudiant reste à faire. Il est très prématuré  de tirer des conclusions définitives. Mais on peut déjà poser une  hypothèse de recherche :
1)      Les journaux et la télévision ne sont pas neutres. Ils tiennent une  position idéologique.
2)      Le lectorat et l’auditoire de ces médias s’aligne sur la même position idéologique.
Mais il faut se pencher sur un autre phénomène tout à fait fascinant lorsqu’on s’intéresse à ce conflit : l’utilisation des médias sociaux. Les blogues, Facebook et surtout Twitter ont été des vecteurs de mobilisation extraordinaire pour les étudiants. Il faudra absolument analyser minutieusement l’utilisation des médias sociaux. D’ores déjà, on peut affirmer qu’il y a une fracture générationnelle importante quant à l’utilisation de ces médias. La génération C (les moins de 30 ans) gravite massivement dans la sphère des médias sociaux.
Depuis quelques années, personnellement, j’ai remarqué une nette migration des étudiants vers les médias sociaux. Nos jeunes ne regardent à peu près plus la télévision, n’écoutent plus la radio et ne lisent pratiquement plus la presse écrite. À toutes les années, dans le cadre du cours de Méthodes quantitatives, j’administre un petit questionnaire portant sur plusieurs dimensions de leur vie quotidienne. Je leur demande où ils s’informent. Dans une proportion écrasante, ils me parlent de Facebook, Twitter, des blogues. Ils sont branchés et ont définitivement tourné le dos aux médias traditionnels. D’ailleurs, depuis une dizaine de jours, plusieurs journalistes des médias traditionnels ont senti la grogne des manifestants. Quelques-uns ont même été violentés.[2] Bien que tout à fait inacceptables et non cautionnables, ces actes peuvent s’expliquer ainsi : les manifestants jugent que les médias traditionnels ont pris parti contre le conflit étudiant. Ils jugent que ce sont des appareils idéologiques au service du pouvoir politique.
Or, pour ceux qui ont suivi le conflit sur les médias sociaux, vous savez que la position idéologique dominante – pour ne pas dire écrasante, c’est, au minimum le gel des droits de scolarité, sinon même la gratuité! Juste par curiosité (si ce n’est déjà fait), allez visiter CUTV (http://cutvmontreal.ca/), la télévision communautaire des étudiants en communication de l’université Concordia! Vous allez voir des images là que vous n’avez jamais vues dans les médias traditionnels! Les manifestations étudiantes sont couvertes sous un angle tout à fait différent. Et le travail des policiers n’apparaît pas sous son meilleur jour… Sur Twitter, il faut absolument consulter : #assnat, #ggi, #manifencours.
Donc, nous vivons ici un conflit générationnel important à travers la «grève» étudiante. D’une part, les plus de 30 ans qui continuent de consulter les médias traditionnels; d’autre part, la génération C qui s’alimente dorénavant aux médias sociaux.
L’analyse de contenu de la couverture médiatique du conflit étudiant devra de façon incontournable inclure les médias sociaux dans son corpus. Mais on peut déjà poser une  hypothèse de recherche :
1)      Les médias sociaux ne sont pas neutres. Ils tiennent une  position idéologique.
2)      Les utilisateurs de ces médias ont moins de trente ans.
Déjà, en consultant les quelques sondages d’opinion qui ont été réalisés sur le conflit, on peut voir apparaître cette ligne de démarcation générationnelle. Ainsi, dans le dernier sondage réalisé par Léger marketing le 10 mai dernier,  on a noté le niveau d’appui au mouvement étudiant par génération. Ainsi, chez les 18-35 ans, on appuie majoritairement la position des étudiants (51% pour, 44% contre). C’est le contraire chez les plus de 35 ans (61% contre, 29% pour).[3]
D’où ma conclusion : Si tu regardes TVA ou V, lis le Journal de Montréal ou La Presse,  tu es vert. Si tu t’informes sur les médias sociaux, tu es rouge! Si tu lis Le Devoir et regardes Radio-Canada et RDI, t’es plutôt rouge.
Michel Huot, sociologie, CBA


[1] Note : Le poids médias établit le pourcentage qu’a occupé une nouvelle, un événement ou même une personne par rapport au volume total de nouvelles au cours de la même période.
[2] Voir notamment cet article du Devoir qui fait une analyse pertinente du phénomène des agressions sur les journalistes : http://www.ledevoir.com/societe/medias/350262/le-choc-des-perspectives
[3]Léger Marketing, «Sortie de crise», En ligne : http://www.legermarketing.com/admin/upload/publi_pdf/R2012-05-15-MAI-021-.pdf. Consulté le 16 mai 2012.

mercredi 16 mai 2012

Pétition pour soutenir leprojet du TrensQuébec

Vous souvenez-vous du billet portant sur le monorail Trens-Québec? Il était paru au mois de novembre. (  http://rshcq.blogspot.ca/2011/11/le-trensquebec-un-projet-structurant-au.html),

Une pétition est maintenant ouverte à l'Assemblée nationale pour soutenir le projet du Monorail TrensQuébec. Pourriez-vous prendre un moment pour signer cette pétition - si cela vous enchante. Elle pourrait avoir un impact très important en faveur du Monorail.

La pétition à l'Assemblée nationale du Québec


lundi 14 mai 2012

Chronique de grève : Le retour... au Cégep de Sherbrooke

Échappé belle, c’est tout ce qui me vient à l’esprit suite à la décision des étudiantes et étudiants du Cégep de Sherbrooke de cesser la grève. Nous réussirons à terminer la session avant la fin juin et les « dommages collatéraux » seront limités. Nous aurons tous à mettre de l’eau dans notre vin, mais nous y arriverons ensemble, solidairement. Les étudiants devront travailler très fort devant le sprint qui s’annonce, les cours seront condensés. Espérons que leur réussite n’en sera pas trop affectée.  Il semble, de prime abord, que les abandons ne soient pas très nombreux en Sciences humaines. L’ambiance est morose chez ceux qui ont milité et soutenu activement le mouvement de grève.  Le commentaire qui revient le plus souvent : « Tout cela pour ça, pour si peu... »  Ils sont fatigués, désillusionnés. Cependant, la vie académique reprend son cours calmement, avec énormément de maturité de la part des jeunes.  Malgré mon biais favorable envers le mouvement étudiant, je suis soulagée... Le prix payé par les grévistes pour soutenir de leur idéal est en voie de devenir trop élevé.

Je demeure sincèrement inquiète pour mes collègues dans les cégeps toujours en grève et surtout pour les étudiantes et étudiants. Ouf... Que va-t-il leur arriver? Comment vont-ils s’en sortir? La ligne dure maintenue tout au long de ce conflit est en voie de tourner à la catastrophe. Les événements à Victoriaville, les perturbations du métro de Montréal, la grève qui s’éternise... c’est franchement inquiétant. Je ne décolère pas en ce qui a trait à la manière dont ce conflit a été géré par le gouvernement. Que l’on soit pour ou contre la hausse des frais de scolarité, il y a peu de gens pour dire que ce conflit a été bien conduit. Pourquoi n’a-t-on pas entrepris des négociations (des vraies) plus tôt, en mars par exemple?   Il existe une marge significative de négociation et de compromis possibles entre 0% et 82% d’augmentation des frais de scolarité. Les étudiants plus modérés se seraient fort probablement ralliés à une offre sensée...  Est-ce vraiment des questions électoralistes qui ont poussé le gouvernement à laisser trainer la situation à ce point? Je ne sais pas comment ce conflit sera analysé, une fois terminé et avec du recul. Moi je retiendrai que, en matière de conflit social, l’approche de la ligne dure, même si elle satisfait une partie de la population, est risquée, couteuse, inefficace.

Bonne chance à mes collègues toujours en grève,

Solidairement vôtre
Claire Denis
Cégep de Sherbrooke

lundi 7 mai 2012

La lettre d'entente entre le gouvernement et les associations étudiantes.

Pour ceux qui n'ont pas encore vu le libellé de l'entente survenue samedi:



Si j'étais recteur ce matin, je me sentirais un «peu insulté» - d'autant plus qu'ils seront minoritaires sur le conseil provisoire. Leur coopération est loin d'être acquise! Le fardeau de la preuve (de trouver des économies) reposera donc  sur les épaules des étudiants. Un bras de fer à prévoir ici sur ce conseil provisoire!


jeudi 3 mai 2012

Chronique d’une grève annoncée...

Cela fait maintenant plus de deux mois que les étudiants ont débrayé dans mon cégep. Je m’y étais pourtant préparée, jusque dans mon plan de cours... Jamais je n’aurais imaginé ce que j’y ai observé... Je savais bien que cela ne serait pas facile, mais si on m’avait dit que j’assisterais à pareil mépris... je ne l’aurais pas cru.  Au début du mouvement de grève, j’étais assez optimiste, je pensais qu’une forme de compromis serait négociée tôt ou tard...  certainement pas si tard!  Étant de nature (et de culture) plus à gauche, je suis assez d’accord avec des frais de scolarité plutôt bas, bien que je reste indécise quant à l’idée de gratuité totale. Je voyais le mouvement de grève plutôt d’un bon œil.

Comme tous ceux qui ont déjà participé à des actions collectives, j’ai été (et je le suis toujours) impressionnée par la solidarité, la force et la constance du présent mouvement étudiant. Je trouve ces jeunes leaders brillants et articulés. Or force est de constater que ce mouvement ne mène nulle part. La réflexion fondamentale autour de l’éducation et de sa place dans la société québécoise n’aura pas lieu. Le message qui veut que nous ayons les moyens, sans rehausser les impôts des contribuables, de maintenir des frais de scolarité relativement bas (relatif puisque l’on est en Amérique...) ne passe pas.  Le peuple a acheté le discours officiel qui résume le tout par les slogans : « À qui va-t-on refiler la facture ? et « Payer sa juste part »...  Ce n’est pas un hasard si les facultés universitaires en grève sont surtout celles où des revenus « élevés » sont loin d’être garantis, suite à l’obtention d’un premier diplôme... Si l’on parle d’investissement personnel,  les résultats sont très variables... Les questions ayant trait à la mauvaise gestion des universités, à l’incurie, à la très discutable manière de distribuer les fonds de recherche, aux salaires honteusement élevés (avec des fonds publics, comme ces recteurs qui gagnent plus, voire parfois le double du premier ministre du Québec!) et surtout, les liens importants entre l’éducation et la démocratie... toutes ces questions fort pertinentes n’ont pas réussi à passer la rampe.

Je suis l’actualité assidûment : radio, télé, journaux, blogues.  Rapidement, j’ai observé un glissement pour éviter les enjeux de fond : un discours du type «Brault et Martineau », payez seulement 325$ de plus par année, un dollar par jour...  en omettant soigneusement de mentionner la facture totale finale... Le slogan est repris ad nauseam.  Il est maintenant de 50 cents par jour...  Mais qu’est-ce qu’ils sont «cheap» ces étudiants!  Tout pour discréditer le mouvement ou ses leaders, comme les attaques personnelles contre un jeune homme «menaçant» de 21 ans qui ont été proférés par des ministres!  La prétendue violence de la CLASSÉ -- mouvement trop démocratique pour des politiciens habitués d’en faire à leur tête quand ils sont majoritaires--  a encore fait dévier le débat.  Des propos de plus en plus méprisants sont tenus dans la population au sujet “d’eux autres” les délinquants, les garnements, les bébés gâtés, les enfants roi... Un peu plus et on croirait entendre Sarkozy et sa racaille! Autre glissement sémantique, on ne parle plus de grève, mais de boycott... pour discréditer le droit de grève reconnu aux étudiants depuis des décennies. Que dire également de ces incroyables injonctions où le droit individuel a automatiquement le dessus sur les droits collectifs? Je ne suis pas juriste,  mais il me semble que les lois que nous édictons proviennent de décisions collectives... majoritaires, rarement unanimes...

Les messages du mouvement étudiant ne passent pas.  Le gouvernement demeure intransigeant et le bon peuple aliéné aime cela. Même les appels de Claude Castonguay et de Jean Cournoyer, politiciens chevronnés de grand calibre... niveau de la ligue nationale de hockey je dirais, ne réussissent pas à convaincre les politiciens actuels, calibre ligue de garage... de négocier ou de décréter un moratoire, de se bouger les fesses pour résoudre cette crise...   Rien n’y fait!  Au moment où j’ai entendu à la radio que Line Beauchamp avait rompu les négociations avec les étudiants, seule chez moi,  j’ai hurlé!!!  J’étais en colère. Quel manque de jugement!

Je n’ose pas imaginer ce que les jeunes ressentent actuellement. Vont-ils devoir retourner en classe, la tête basse, la queue entre les pattes, humiliés?  Combien d’entre eux se seront radicalisés et n’auront plus confiance en nos institutions? Que retiendront-ils de cet événement historique, après s’être engagés à fond personnellement pour soutenir un idéal? Que la démocratie ne fonctionne pas? Que les médias ne sont pas crédibles? Que des policiers sont violents et manquent de jugement? Que l’éducation n’est pas assez valorisée au Québec pour en faire une priorité?  Du côté des aspects plus « positifs », ils auront appris la solidarité, l’organisation de manifestations, l’action politique... et la désobéissance civile!  Ils auront peut-être aussi compris que notre monde n’est pas Disneyland et que l’on doit absolument se relever les manches pour le transformer et voir son à amélioration...  

Reste que, étant donné l’état d’émotivité dans lequel nous retrouverons nos étudiantes et étudiants et peu importe le point de vue que l’on a sur la question de la hausse des droits de scolarité, c’est nous, les profs, qui ramasserons au quotidien les pots cassés et le foutoir provoqué par ce gouvernement incompétent et corrompu!  

Claire Denis, Cégep de Sherbrooke