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dimanche 22 janvier 2012

J’ai mal à ma société. J’ai besoin de mesures d’aide!

Parmi les mesures les plus utilisées,
celle de donner plus de temps aux étudiants pour
faire leurs examens en salle semble très utilisée.
Depuis deux ans, et même plus sûrement[1], on nous interpelle sur l’arrivée prochaine de nouvelles cohortes avec plus de difficultés d’apprentissage. On nous informe qu’à cause des différentes mesures prises au secondaire, une clientèle émergente est à nos portes, qu’elle viendra bientôt changer nos habitudes. Ces nouveaux étudiants (terme tellement plus beau et plus adapté à ceux pour qui nous sommes des professeurs) ont différents problèmes pour lesquels nous ne sommes pas formés et avec lesquels il « faudra faire ». Ils ont des troubles de l’apprentissage, de la dyslexie, de la dysorthographie, des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, ils ont des problèmes psychologiques comme la schizophrénie, des troubles de la personnalité… et j’en passe, car je ne suis pas psychologue.

Dans les grands cégeps, la première vague est arrivée il y a plusieurs années, des mesures ont été essayées puis apportées. À travers la masse, ces étudiants avec plus de difficultés ont fini par se perdre et accéder à des mesures discrètes qui leur permettent de mieux performer, voir même de réussir. Si les clientèles émergentes sont problématiques dans les grands cégeps, imaginez dans les centres d’études comme le mien où il n’y a pas encore de budget et peu de ressources pour s’occuper de mes étudiants.

Mes premiers contacts avec des représentants de ces « nouveaux étudiants » (preuve qu’ils ne sont pas si nouveaux que ça) datent d’il y a dix-huit ans. Ensuite, pas de nouvelles, pas de cas spéciaux. Il y a quatre ou cinq ans, des cas non diagnostiqués d’hyperactivité, de troubles de l’attention et de troubles graves psychologiques semblent se manifester. On fait avec ces étudiants particuliers, on s’organise, car il n’y a pas de diagnostic, donc pas de mesure.

Mais cette année, dans mes 30 nouveaux étudiants (je vous l’écrivais, on est tout petit), il y a un cas diagnostiqué. Le professionnel multifonctions qui nous soutien dans les mesures à prendre, nous indique celles qui seront appliquées : 20 minutes supplémentaires par heure d’examen (on va dire 45 minutes pour l’examen de deux heures), dans un local sans distraction (donc seule), à l’ordinateur (ça tombe bien l’examen se fait sur ordinateur). Il faut trouver un local : le secrétariat a un petit bureau fermé qui peut l’accueillir. Je ne l’ai pas encore écrit, mais dans nos petits milieux (comme dans les plus grands), on a des employés de soutien et des professionnels non enseignants qui justement nous soutiennent et qui sont accommodants. Tout se passe bien, Dieu merci!

Au milieu de la session, avant le deuxième examen, une étudiante vient m’expliquer qu’elle est peut-être dyslexique. À cause des coupures faites par le MELS et les commissions scolaires il y a quelques années, il lui faudra manquer une journée de cours et payer 1000 $ pour se faire évaluer. J’aurai le résultat avant l’examen. Le verdict tombe, il lui faut des mesures d’aide. Elle doit faire son examen dans une salle où elle sera seule, a besoin de plus de temps (20 minutes supplémentaires par heure) et à se faire indiquer ses fautes. Je me retrouve en même temps avec trois « classes » d’examen et dois indiquer les fautes de deux étudiantes avant la fin de l’examen. À l’AIDE! Je reçois la réponse qu’avec nos huit ou neuf nouveaux (premiers) cas, le MELS ne nous alloue pas encore de budget, que le Centre d’études trouvera par lui-même les sommes nécessaires aux mesures d’aide pour cette année. Les mesures d’aide, c’est payé par le MELS comme les taxes de déneigement : sur la facture de l’année précédente. Et mon examen de fin de session dure 4 heures (qui sont suivies par un autre examen, une heure plus tard, de 3 heures). Je devrai demander de l’aide à mes collègues. Mais je suis chanceux, j’ai encore la collaboration de mes amies du secrétariat et le soutien indéfectible de notre professionnel multifonctions. Je suis chanceux! Quand je pense à mes collègues de français et de philosophie qui ont tous les étudiants devant avoir des mesures d’aide (et tous n’ont pas les mêmes besoins), il faudra avoir beaucoup de patience pour que ces étudiants puissent avoir l’aide de la société pour les mesures auxquelles ils ont droit.

 Voilà pour les mesures d’aide, mais le titre débute par « J’ai mal à ma société ». Pourquoi? Parce que les réductions budgétaires faites dans les dernières quinze années ont diminué l’offre de service d’orthopédagogues dans nos commissions scolaires. Le cas de mon étudiante est caractéristique des séquelles de ces coupes (et de bien d’autres choses). Elle n’a pas été diagnostiquée à l’école primaire, ni au secondaire. C’est sa professeure de français du collégial qui a eu un doute. Quoi? Elle arrive du secondaire, a été diplômée avec de bonnes notes et jamais un de ses professeurs n’a eu des doutes? Et parce que maintenant on ne les détecte qu’au collégial, il lui en coûte 1000 $? En passant, ce n’est pas trop cher payer pour tous les tests qu’elle a dû faire. Ma société est malade au point que si sa famille n’avait pas eu les moyens de les payer, elle n’aurait pas pu avoir les mesures d’aide. Car le public manque de temps et de professionnels. Si elle veut pouvoir avoir une réponse rapide, il lui faut aller vers le privé. Mais il ne faut pas s’en faire. Dorénavant, la dyslexie sera une maladie mentale et ne pourra être diagnostiquée que par des professionnels de la santé et par des psychologues. Le problème sera-t-il réglé plus vite?

 Mais vous direz « qui suis-je pour porter ce jugement? » Lorsque j’étais jeune, il y a avait une pub sur la dyslexie qui finissait par « Pourtant, Paul n’est pas stupide ». Je suis un de ces vieux adultes à qui l’école a diagnostiqué la dyslexie et quelques autres petits problèmes lorsque j’étais en troisième année du primaire. Je dis vieux parce qu’à l’époque, une orthopédagogue a dit à mes parents de ne pas penser que je me rendrais plus loin que la fin du secondaire, que le cours classique qui venait d’être aboli (j’avais alors 8 ans) n’aurait même pas pu être disponible pour moi. La petite commission scolaire où j’étais a alors mis à ma disposition une personne compétente qui a donné du temps hors classe afin de m’aider, puis d’aider d’autres élèves comme moi. Je me suis rendu à la fin du secondaire. J’ai fait mon cégep, puis suis allé à l’université où j’ai décroché au doctorat. J’ai eu de l’aide pendant le restant de mon primaire et ma première année du secondaire. Après, j’ai changé d’école et je ne sais pas si mon dossier a suivi, mais je n’ai plus eu d’aide. Pourtant, j’en aurais eu tellement besoin. Alors, je sais ce que c’est que vivre avec ce problème et l’importance de l’aide qu’on reçoit (et de l’aide qu’on ne reçoit pas). J’ai eu ce qu’il fallait et même si je prends trois et quatre fois plus de temps que les autres pour arriver à ce que je dois faire, je profite encore de cette aide que j’ai eue avant mon adolescence. C’est ce qui fait que je suis prêt à donner le temps qu’il faut pour aider mes « mesures d’aide ». Mais Ciel, que le système nous permet de souffler un peu pour que notre aide soit efficace! Oui, je considère que ma société est malade! Je voudrais qu’elle mette en place des mesures d’aide rapides, efficaces et accessibles pour ceux et celles que nous appelons maintenant les « clientèles émergentes »[2].

J.-Louis Vallée
Professeur d’histoire
Centre d’études collégiales de Montmagny


[1] Daphnée DION-VIENS, « Les cégépiens en difficulté augmentent », Le Soleil, 10 novembre 2008,   http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/education/200811/09/01-37923-les-cegepiens-en-difficulte-augmentent.php)
[2]  CSQ, « Les services adaptés dans le réseau collégial – un financement adéquat est nécessaire »,  15 décembre 2011 dans Newswire, [En ligne],  www.newswire.ca/fr/story/895935/services-adaptes-dans-le-reseau-collegial-un-financement-adequat-est-necessaire

lundi 3 octobre 2011

Qui sont les étudiants du programme de sciences humaines?


Peut-on affirmer que le programme Sciences humaines est  un refuge, un lieu de transition et d’attente pour trop d’étudiants peu motivés et indécis quant à leur orientation vocationnelle?
Excellente question que je me pose souvent. Qui est assis dans ma classe? Des étudiants motivés qui savent où ils vont? Des écartés tout mélangés? Des enfants immatures sur le party qui ont adopté la philosophie du carpe diem? Des rescapés d'autres programmes?

J'ai beau cherché dans la littérature un portrait des étudiants inscrits dans le programme de sciences humaines, je ne trouve pas grand chose.

Historiquement, nous savons cependant que les étudiants en sciences humaines sont nombreux! Ils représentent plus de 30% de la clientèle des collèges!  C'est évidemment le programme le plus populeux du collégial. Les tableaux de bord fournis par le MELS nous indiquent que leurs moyennes au secondaire est relativement bases et des écarts-types élevés indiquent une dispersion  plus grande des étudiants quant à leur force scolaire. Le taux de réussite des cours au premier trimestre des nouveaux inscrits et des nouvelles inscrites en sciences humaines est faible (54,3%). Moins d'un étudiant sur trois obtient son DEC dans la durée prévue (2 ans). Et pour en rajouter, seulement 57,3% des étudiants obtient son diplôme deux ans après la durée prévue. De plus,selon les données du tableau de bord, une nouvelle stratégie étudiante semble se dessiner. La proportion des étudiants qui obtient son diplôme dans les temps prévus diminue pendant que celle qui obtient son diplôme deux ans après la durée prévue augmente. Bref, les étudiants semblent prendre plus leur temps!

Les mutations sociales et culturelles qui s'accélèrent depuis 25 ans touchent les jeunes de plein fouet. Jacques Roy a traité abondamment cette problématique. Le mode de vie basé sur la consommation (cellulaire, MP3, sorties, divertissement...) amène les étudiants à travailler de plus en plus. Ils ont besoin de sous, de plus en plus de sous. On a même établi une limite du nombre d'heures de travail au-delà de laquelle on risque de perturber ses études :  15 heures par semaine. Les jeunes éprouveraient-ils de plus en plus de difficultés à préserver un équilibre entre le travail et les études?

Dans une enquête menée à Sherbrooke par mesdames Bousquet et Gingras en 2008, nous avons quelques pistes de réponse. 10% des étudiants qu'elles ont rejoints (n= 472 étudiants du cégep de Sherbrooke nouvellement inscrits à l'automne 2007) travaillaient plus de 20 heures par semaine! Par ailleurs, dans la même enquête, mesdames  Bousquet et Gingras s'inquiètent du peu d'heures consacrées aux études :

Quant aux heures consacrées aux études, elles devraient osciller entre 16 et 18 heures selon la pondération habituelle des cours. Nous pouvons observer que plus de la moitié des étudiants se retrouvent nettement au-dessous de cet écart, et ce, malgré le fait que l’enquête s’est déroulée entre la neuvième et la dixième semaine de la session, et que plusieurs examens et remises de travaux ont cours durant cette période.
Donc, beaucoup d'heures de travail rémunéré et peu d'heures d'études. Vraiment très difficile de préserver l'équilibre...

Par ailleurs, en vrac, mesdames  Bousquet et Gingras ont réalisé que:
  • seulement 72 % des répondants ont affirmé qu’ils en étaient à leur première inscription au collégial. D'où viennent les autres? C'est plus d'un étudiant sur quatre!
  • 77% des étudiants rejoints aiment leur programme.
  • 78% des étudiants rejoints veulent compléter leur formation dans le programme de sciences humaines.
  • 75% des étudiants rejoints sont préoccupés par leur orientation professionnelle.
  • 84% des étudiants rejoints affirment que leur orientation professionnelle a une influence sur leur motivation scolaire.
Voilà des pistes d'exploration intéressantes. Des classes éclectiques composées d'étudiants provenant de différents horizons mais qui apprécient tout de même le programme. Des classes composées d'étudiants indécis qui ne savent pas nécessairement quelle profession ils exerceront dans la vie mais qui aimeraient bien le savoir car cela augmenterait leur motivation scolaire.

***
Il faut forer davantage! On n'a pas beaucoup d'information sur le(s) profil(s)-types des étudiants en sciences humaines. Cela serait certainement très utile pour la préparation des activités d'apprentissage des profs oeuvrant dans le programme. À quand une recherche  à ce propos financée par PAREA ?

jeudi 29 septembre 2011

Nos étudiants manquent de culture générale. Que faire?

Il n'y a pas un enseignant qui n'a pas une anecdote à raconter à propos de la pauvreté culturelle de ses étudiants. Parmi les classiques :
  • Lionel Groulx, c'est une station de métro, ça?
  • RobertBourassa, c'est pas une autoroute, ça?
  • La capacité d'exprimer une idée qui finit souvent par : t'sé veux dire..., genre...
  • C'est quoi ça l'holocauste?
  • «Cautionner»? Ça veut dire quoi ça?
  • Dans un texte : «Ils ont découvert le poteau rose.»
  • Les peintres les plus célèbres sont Mickey l'ange et Homard de Vinci.
  • Les Égyptiens transformaient les morts en momies pour les garder vivants.
Dans un rapport  rédigé par  un groupe de travail sur l’intégration des élèves issus du programme de formation de l’école québécoise remis au comité-conseil du programme d’études préuniversitaires sciences humaines et reçu par la DÉC, on souligne les difficultés associées à la maîtrise de la langue et à une culture générale déficiente. Suite à un sondage mené dans le réseau collégial, enseignants et coordonnateurs soulignaient que le Renouveau pédagogique n'avaient décidément pas résolu ce problème.

Aux yeux des enseignants, les collégiens manquent de culture générale. Le constat est clair - et sans appel. On peut définir la culture générale comme «un réseau de connaissances que l'individu s'est construit à partir de ce qui est digne d'être retenu dans les arts et les lettres, dans les savoirs scientifiques et techniques et parmi les événements d'hier et d'aujourd'hui.»

Alors, comment redresse-t-on la situation? Comment nous y prenons-nous comme institution pour enrichir la culture générale de nos étudiants? Faire écouter de la musique en classe, lire des extraits d'oeuvres littéraires, visionner des extraits de films classiques, présenter des chef-d'oeuvres des arts visuels? Présenter des portraits de personnages historiques célèbres? Je crois qu'il faut penser sérieusement à des moyens de doter les étudiants d'une culture générale plus riche.



paru aux PUL en 2002.
 Au début des années 2000, deux enseignants (Messieurs Baril et Péloquin) avaient élaboré un questionnaire pour mesurer le niveau de culture générale des étudiants de niveau collégial. Exercice intéressant qui les avait mené à de bonnes réflexions sur ce qu'est la culture générale.

Pour la discussion :


Si vous avez le goût de faire passer le petit test à vos étudiants:



 


mercredi 31 août 2011

Des mesures adaptées inadaptées...


Comme enseignant, j'en suis déjà à ma deuxième semaine de cours. J'ai 165 étudiants dans 5 classes. Le mardi, je dois me déplacer pour donner mon cours dans une autre ville. Je n'ai encore aucune idée des élèves en difficulté qui fréquentent mes classes. Je recevrai d'ici quelques semaines un dossier confidentiel qui identifiera les étudiants qui ont réclamé des mesures adaptées. À mes yeux, c'est trop peu, trop tard.

De plus, je me sens totalement démuni devant ces étudiants. Par le passé, quelques uns ont fondu en larmes devant moi. D'autres m'ont envoyé carrément ch... Je ne sais pas quoi faire. 

D'ailleurs, depuis quelques années, les « clientèles émergentes » (DES - 6, mesures adaptées, ...) sont en croissance et le programme des sciences humaines en accueille une grande proportion. Je ne suis pas sûr qu'on est bien équipé pour les recevoir. Il faut réfléchir sérieusement à cette clientèle et prendre les décisions éclairées.

À lire ce matin dans cyberpresse, une réflexion de la FECQ sur les élèves en difficulté:

http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201108/30/01-4430263-eleves-en-difficulte-au-cegep-dix-fois-plus-de-cas-en-cinq-ans.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_BO2_quebec_canada_178_accueil_POS1

jeudi 18 août 2011

Francoeur se vide le coeur...

pour consulter cet article paru en fin de session au mois de mai:

http://fr.canoe.ca/divertissement/celebrites/entrevues/2011/05/23/18180746-jdm.html

Ce texte a fait couler beaucoup d'encre. Perso., je ne vis pas la même réalité dans mon cégep. Au contraire, je crois même que les étudiants s'améliorent. Mais peut-être suis-je dans un microcosme qui ne représente pas la réalité québécoise?

Deux-trois commentaires personnels:
  1. Le méchant ministère (MELS) a tellement peu de personnel pour s'occuper du collégial qu'il a délégué ses pouvoirs dans les collèges. De plus, le MELS crée des comités sur lesquels siègent des profs qui ont leurs mots à dire sur les réformes. Cependant, je crois que le véritable pouvoir de gestion du réseau collégial réside dans les collèges.
  2. Les étudiants ont changé, c'est évident. Cependant, je ne crois pas qu'il y ait détérioration de la qualité. Ils ont des nouvelles forces : coopération entre eux, goût pour l'action, maîtrise des TIC, compétences orales améliorées. La qualité du français écrit demeure constante c'est-à-dire qu'il y a vraiment place à amélioration.
  3. Je dénote une certain jugement de valeur négatif sur les étudiants québécois. Et ça m'indispose un peu. Ce sont des incapables, à lire Francoeur. Pour ma part, je ne crois pas cela. Leur potentiel de développement est extraordinaire. Ils n'ont pas la culture de Francoeur, mais il en ont une! De plus, je crois pertinemment que, comme prof, il faut s'adapter à leur vécu. Ils baignent dans un milieu extrêmement stimulant. Ils sont le fruit de ce milieu. Les profs, comme agents de socialisation, ont un rôle à jouer. Mais ce rôle ne se joue peut-être plus comme avant...