lundi 28 novembre 2011

Les Québécois francophones auraient-ils renoncé à faire du français la langue commune du Québec?

La langue est politique au Québec.
Il faut replacer la problématique de la qualité de la langue écrite dans un contexte plus global. Nous savons que la question de la langue sera toujours pré-occupante pour un peuple peu nombreux immergé dans une mer anglophone.  La langue est politique au Québec tout simplement parce qu'elle établit un rapport de force entre deux groupes sociaux inégaux.

Et actuellement, nous sentons que le français recule ou du moins stagne. Plusieurs lumières rouges apparaissent sur le tableau de bord! Montréal revêt un caractère de plus en plus anglophone. On nomme à Ottawa un juge et un vérificateur général unilingues anglophones. Au Québec, ce n'est guère mieux. La Caisse de dépôt et placement du Québec nomme dans des postes stratégiques des unilingues anglophones; à la Banque Nationale, une autre institution francophone, un unilingue anglophone occupe un poste stratégique et exige de ses collaborateurs de comprendre la langue de Shakespeare. Et pour mettre la cerise sur le sundae, l'IRÉC a publié récemment une étude qui démontre que  «le poids du secteur public de langue anglaise au Québec représente 13,9 % du total, soit 5,2 points de plus que le poids démographique des anglophones (8,7 %)(1) Bref, une grande proportion des Québécois francophones se sentent assiégés et les faits semblent leur donner raison.

Dans les journaux, plusieurs journalistes s'en inquiètent : Facal au journal de Montréal, Descôteaux au Devoir, Lisée dans l'Actualité, Lagacé à la Presse, Breton au Soleil. Ils n'aiment pas du tout le glissement tranquille vers l'anglais. Soit dit en passant, il est très facile d'en faire un petit dossier de presse à présenter à vos étudiants  sur la problématique de la langue...

Pendant que ce sentiment d'aliénation gagne du terrain parmi les francophones, s'organisent-ils pour corriger la situation? Pas sûr. Fourbissent-ils leurs armes? Pas sûr. Auraient-ils abdiqué? La question se pose parce qu'il y a plusieurs indices comme quoi ils ont lançé la serviette.

Ainsi, par exemple, ils ont accepté que leurs enfants fassent une partie de leurs études primaires en anglais. D'ailleurs, d'ici quatre ans, tous les élèves inscrits en sixième année du primaire recevront la moitié de leur enseignement en anglais! Cette mesure n'a pas de contre-partie pour les petits anglophones. Ils n'auront pas à faire une partie de leurs études primaires en français! Serait-ce qu'ils sont plus bilingues que les francophones?

Le pire, je pense, c'est ce réflexe des jeunes de «switcher» à l'anglais dès que l'occasion se présente. C'est tellement «hot» l'anglais. Un anglo entre dans la pièce et les francos se mettent à parler anglais! Au centre-ville, lorsque vient le temps de magasiner sur Sainte-Catherine, on se fait servir en anglais et on ne se sent pas insulté! Il n'y a même plus d'indignation. Décidément, notre rapport à l'anglais est tordu! Le petit ouvrage de Christian Dufour à propos des Québécois et l'anglais est éloquent.
  
Même les corporations ne prennent plus la peine de respecter la loi 101. 

Pendant ce temps-là, l'État ne réagit pas. Le gouvernement libéral tergiverse - pour ne pas dire qu'il s'écrase!  Pourquoi le gouvernement libéral tergiverse-t-il? Parce qu'il montre lui-même la voie du bilinguisme officieux. En effet, le bilinguisme est devenu la politique «officieuse» de l'État québécois. For service in English press two... Même les manisfestations pour la langue ont un relent de folklore!  

Dans ce contexte, n'est-il pas légitime de penser que les francophones ont abdiqué. Je poserais même l'hypothèse qu'ils ont opté pour le bilinguisme en route vers l'assimilation tranquille.

Alors, si l'anglais gagne du terrain dans tous les aspects du quotidien des francophones, cela aidera-t-il à améliorer la qualité du français écrit de nos étudiants?  Et si les francophones d'origine abdiquent, quel message envoyons-nous au 50 000 immigrants qui s'installent au Québec à tous les ans? Vaut-il la peine d'apprendre cette langue, se demanderont-ils? Et puis, voyant le manque de volonté politique des francophones de maintenir le français comme langue commune, ils conclueront que ce n'est pas du tout nécessaire. Un simple Bonjour suffira pour faire sa vie au Québec. Les joueurs du club de hockey les Canadiens de Montréal (et les relationnistes de cette organisation) l'ont très bien compris. C'est quasiment insultant!

C'est sûrement le chantier le plus important à entreprendre :  le français doit être la langue de la place publique au Québec. Elle l'est de moins en moins - surtout à Montréal. Et les Québécois francophones ne semblent plus s'en soucier. Le rapport de force linguistique s'étiole en raison de la faiblesse de la communauté politique francophone. Les véhicules politiques canalisant les forces francophones ont tellement pris de l'âge qu'ils ressemblent aux bagnoles qui circulent à La Havane! 

Nous devenons de plus en plus une grosse minorité ethnique qui se comporte de moins en moins comme une nation. Fernand Dumont avait-il raison dans un des ouvrages les plus importants pour comprendre la question québécoise: Raisons communes? Il faut absolument relire ce petit ouvrage de 200 pages. Écrit il y a une quinzaine d'années, il n'a pas vieilli d'un iota! 

Michel Huot, sociologie, Beauce-Appalaches

 

1 commentaire:

  1. Une bonne mise en contexte de l'attitude actuelle des francophones et de leurs institutions quant à l'utilisation du français.

    Claude Belzile, Sherbrooke

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