lundi 12 décembre 2011

Les sciences humaines doivent prendre la place qui leur revient.

J’ai parfois l’impression qu'on peut s’improviser « spécialiste des sciences humaines » dans les cégeps. Par exemple,
  • Des enseignants en soins infirmiers qui enseignent les cours de communication, spécialité attribuée généralement à la psychologie;
  • Des enseignants en anglais qui décident de donner des cours d’histoire américaine en anglais, spécialité généralement attribuée à l’histoire;
  • Des spécialistes des mathématiques qui donnent le cours de Méthodes quantitatives;
  • Des enseignants spécialistes du français donnant des cours de sociologie des médias dans des programmes d’Arts et lettres;
  • Des enseignants en éducation spécialisée qui donnent des cours de psychologie.
Assistons-nous depuis quelques années à un glissement vers le déni d’expertise des sciences humaines? Si tel est le cas, laisser aller la tendance sans protester signifie perdre à moyen terme des « cours de service » dans les programmes techniques. Au-delà du discours sur les « jobs », discours bien anecdotique quant à nous, c’est le discours de l’expertise qu’il faut privilégier. À l’enseignement supérieur, c’est exactement ce qu’on valorise : l'expertise!

Les sciences humaines ont développé des expertises qui leur sont propres : des méthodes riches et variées, des savoirs spécifiques fondés, un corpus de connaissances basées sur des recherches objectives, des visions particulières de la vie en société. Il faut le faire reconnaître. Ce n'est pas tout le monde qui est habilité à manipuler cette riche production. Si on laisse à d'autres le soin de jouer avec ces compétences, on « secondarise » le collégial, censé appartenir à l’enseignement supérieur. C'est aussi admettre que nos disciplines ont peu de valeurs et que n'importe qui peut les enseigner!

Donc, il faut s’assurer que les professeurs qui enseignent du contenu propre aux sciences humaines soient « patentés ». Ont-ils les compétences nécessaires? Ont-ils un diplôme qui démontre leur expertise? Si oui, tant mieux. Sinon, il faut réagir pour corriger la situation. Mettre de la pression sur les directions des études afin qu’elles reconnaissent que les sciences humaines génèrent des expertises exclusives. Tout simplement parce que les sciences humaines doivent prendre la place qui leur revient.
***
Il faut documenter ce phénomène! Y a-t-il réellement déni d'expertise des sciences humaines dans les collèges? Présentement, la réponse n'est pas claire.

Comment est-ce à Vieux-Montréal, Dawson, Edouard-Montpetit, Granby, Sherbrooke? Comment est-ce en Outaouais, en Abitibi, à Chicoutimi, Sept-Îles, Rivière-du-Loup, Sainte-Foy, Limoilou, Lévis-Lauzon? Partout dans les collèges!
N’hésitez pas à nous faire part de votre expérience collège en nous laissant un commentaire au bas de ce billet ou en nous envoyant un courriel : rshcq@cegepba.qc.ca

Michel Huot,
sociologie,
Beauce-Appalaches

3 commentaires:

  1. Oui l'expertise est importante, il faut donc exiger la maîtrise spécialisée pour enseigner au niveau collégial, les diplômes de pédagogie eu collégial ne sont pas suffisants, les universités ne nous ont pas consultés avant de les offrir et comme en psychologie, la maîtrise a pratiquement disparue, on a un sacré problème.
    Céline Demers
    enseigante en psychologie
    cégep du Vieux-Montréal

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  2. Je pense qu'il faut faire quelques nuances entre « discipline » et « expertise ». Pour des raisons historiques et sociales propres à l'organisation des sciences et des universités, les disciplines sont artificiellement étanches (p. ex. psychologie, psychoéducation, sc. infirmières), mais pas forcément les expertises développées à l'intérieur de ces disciplines.

    En ce qui concerne les expertises, une ou un enseignant en psychologie qui ne comprend pas la réalité d'un programme de soins infirmiers ou d'éducation spécialisée (p. ex. qui ne fait que donner un cours de sc. humaines rabouté) ne fera pas un meilleur travail qu'une ou un enseignant d'un programme technique qui n'a aucune expertise particulière pour donner le cours (p. ex. qui le prend parce qu'il a besoin de ce cours pour avoir une tâche complète).

    À l'inverse, une infirmière ayant de l'expérience de gestion ou encore en psychiatrie peut donner un excellent cours de communication ou de relation d'aide. De la même manière, certains aspects de l'intervention en psychoéducation et en psychologie, de même que dans plusieurs autres disciplines connexes, peuvent finir par se ressembler. Les techniques de relations d'aide et le développement de l'enfant, c'est au final assez similaire d'une discipline à l'autre même si le focus peut varier.

    Il me semble important d'ajouter que les disciplines contributives de sciences humaines aux programmes techniques doivent amener un apport « socialement pertinent », c'est-à-dire qui répond aux attentes et exigences du programme technique sans pour autant inféoder la discipline au programme auquel elle contribue. Bien que cela me nuise personnellement étant donné ma formation en psychologie, je peux très bien comprendre qu'un département technique décide, en bout de ligne, de virer une discipline contributive qui ne fait pas l'affaire en raison d'un déficit de « pertinence sociale » pour plutôt prendre en charge lui-même l'enseignement de ce cours.

    Les enseignantes et les enseignants de sc. humaines qui ne seraient pas d'accord avec moi sur ce point sont invités à se questionner sur leur propre attitude par rapport au cours de méthodes quantitatives, souvent jugé « non socialement pertinent » de par la conception très mathématique et insuffisamment sciences humaines des enseignantes et des enseignants de mathématiques, justement.


    Richard Lapointe-Goupil
    Enseignant en psychologie

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  3. Vu également: un professeur de Sciences infirmières enseigner de l'anthropologie médicale (à l'université!!!!!!)

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