Il
y a actuellement sur la planète un éveil des consciences citoyennes qui se
manifeste par des contestations des pouvoirs institutionnels. Pour en nommer quelques-uns :
le printemps arabe (Tunisie, Égypte, …), le mouvement « Occupy » avec leur fameux slogan 1% contre les 99%
tenu dans plusieurs villes en Occident, les grèves étudiants (Chili, Angleterre…),
les protestations importantes en Espagne, en Grèce (évidemment), les émeutes au
Royaume-Uni (dont celle de Tottenham), etc…
Dans
la plupart de ces conflits, on remarque une certaine lutte idéologique. En
effet, il faut bien admettre qu’actuellement, le néo-libéralisme est contesté
avec vigueur. Les manifestants sont-ils capables
d’articuler un discours cohérent contre le néo-libéralisme ? Ont-ils des
solutions claires et définis à proposer comme alternative à cette idéologie qui
dominent depuis une trentaine d’années? Pour la plupart d’entre eux, non.
Le
mouvement étudiant au Québec s’inscrit dans ce contexte élargi. Dès le départ,
bien que strictement centré sur la hausse des droits de scolarité, la
contestation couvrait aussi une position idéologique anti-néo-libéralisme. Dès
le départ, les deux camps se sont positionnés : à
gauche pour les étudiants, à droite pour le gouvernement Charest - pour reprendre la division classique des idéologies. Rapidement, ils
se sont radicalisés en campant sur leur position. Malheureusement, avec les jours qui passent, la sortie de crise
devient de plus en plus difficile.
À
gauche, les étudiants au carré rouge ont sorti des arguments solides. Jetons-y
un coup d’œil. Ils veulent un gel des droits de scolarité (même la gratuité
scolaire pour le Classe) parce que :
1) L’éducation
supérieure est un «bien commun». Elle doit demeurer accessible à tous.
2) Puisqu’il s’agit d’un bien commun, l’éducation est un droit humain fondamental.
3) A contrario, l’éducation n’est pas une marchandise à vendre sur un marché de consommateurs.
4) Les universités sont mal gérées car les ressources financières sont mal réparties.
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Représentants étudiants |
2) Puisqu’il s’agit d’un bien commun, l’éducation est un droit humain fondamental.
3) A contrario, l’éducation n’est pas une marchandise à vendre sur un marché de consommateurs.
4) Les universités sont mal gérées car les ressources financières sont mal réparties.
À
droite, le gouvernement Charest a aussi développé un argumentaire bien
ficelé :
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Un gouvernement néo-libéral |
1) Selon
un «consensus social», les universités sont sous-financées depuis plusieurs
années.
2) Or,
les étudiants payent les droits de scolarité les moins élevés au Canada.
3) Donc,
les étudiants doivent faire leur «juste part» et contribuer davantage au
financement universitaire.
4) Nos
universités doivent être de classe mondiale et compétitionner
avec les meilleures.
Les
deux camps ont vertement critiqué l’argumentaire adverse. À gauche, on a remis
en question le consensus social sur le sous-financement. Il n’y aurait pas tant
que ça de sous-financement mais de mal financement des services universitaires.
Bien qu’étant les moins élevés au Canada, les droits de scolarité au Québec
demeurent parmi les plus élevés au monde. La «juste part» est-elle faite par
les corporations minières, les 1%? Les universités n’ont pas à compétitionner ?
Elles offrent un service public à sa population. Elles doivent uniquement se
concentrer à offrir le meilleur service possible aux étudiants.
À
droite, on a aussi fait sa cavale. Elle a porté essentiellement sur l’accessibilité
aux études sup. Je dirais que le gouvernement, avec son offre du 27 avril[1], a
fait un effort pour se rapprocher de la position idéologique des étudiants au
carré rouge – notamment en ce qui a trait à l’accessibilité aux études sup.
Perso., j’ai bien cru que ça passerait! Mais non. Après 22 heures de
négociation, l’offre du 5 mai[2] a
été signée par toutes les parties. Dans
cette offre, la création d’un Conseil provisoire des universités répondait à
l’argumentaire des étudiants qui critiquaient la gestion universitaire. L’offre
a été rejetée.
Le choc idéologique
entre la gauche et la droite a franchi une étape de plus avec l’adoption de la
Loi 78 le 18 mai 2012[3]. Avec
cette loi, l’État venait encadrer (un petit peu mais pas tant que cela !)
la liberté de manifestation des citoyens québécois. Avec cette loi, l’État a
choisi la voie autoritaire. La voie de la négociation devient difficile et la
contestation ira en croissant !
Lorsqu’on pense en termes néo-libéraux, la position de l’État se
défend ! L’individu a des droits et il faut les préserver. D’ailleurs, la
loi 78 se nomme : Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement
dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent. Intéressant !
Bien qu’il y ait grève étudiante, les étudiants qui veulent assister à leurs
cours y ont droit. Les droits individuels ont préséance sur les droits
collectifs. D’ailleurs, avant l’adoption de la Loi 78, une pluie d’injonctions
s’était abattue sur le Québec pour faire prévaloir les droits individuels.
D’ailleurs, depuis le début du conflit étudiant, le gouvernement n’emploie pas
le terme de «grève» mais bien le «boycott» pour nommer le conflit, contestant
par le fait même la légitimité des associations étudiantes et leurs fédérations.
Le choix des termes n’est pas innocent ! Et dans une perspective
néo-libérale, ça se tient.
L’État avait bien essayé de briser le mouvement
collectif avant de voter la Loi 78 :
·
En ignorant systématiquement la demande des étudiants de geler les droits
de scolarité. On peut parler de tout sauf de la question de fond !
·
En tentant d’isoler la Classe, fédération étudiante jugée trop à
gauche. Diviser pour régner, tactique bien illustrée dans le Prince de
Machiavel.
·
En refusant de négocier avec les
associations étudiantes qui ne dénoncent pas la violence, une question de
principe. En tentant ainsi d’associer les étudiants aux casseurs, l’État laisse
d’abord pourrir le conflit. gagne du temps et espère que le mouvement étudiant
sera «délégitimé».
·
En laissant entendre que les jeunes sont gâtés avec leur IPhone et que
payer 50 cents par jour, c’est tout
simplement facile à gober ! En «infantilisant» ici les étudiants, on
cherche à leur enlever toute crédibilité. D’ailleurs, les étudiants ont aussi joué
le jeu en traitant de «mononcle» le gouvernement Charest.
Depuis l’adoption de la
Loi 78, la suspension des cours a par le fait même suspendu la grève! Le conflit
sur les droits de scolarité est parti ailleurs. Il est devenu social si bien que la critique
des gouvernements est devenue encore plus acerbe. Schématiquement, on assiste
actuellement à un conflit classique droite-gauche. Dans les discours, dans la
foule des manifestants, on dénonce les positions et les actions
gouvernementales motivées par le néo-libéralisme. On dénonce carrément les
actions de Charest et de Harper : l'achat des F-35, la hausse du seuil de la
retraite à 67 ans, les mises à pied au fédéral, la modification du programme de
l’Assurance-emploi, le conflit chez Air Canada et la menace d’une loi spéciale, la
fermeture chez Aveos, la taxe santé, le plan nord, les gaz de schiste, la
corruption dans la construction, le financement mafieux des partis politiques,
l’impression que l’État «couche» toujours avec les 1%.
Les principes de «l’utilisateur-payeur»
et du «privé meilleur que le public» ne passent plus auprès des manifestants. Et
Jean Charest est devenu le symbole de cette approche. S’il entendait
ce que les manifestants disent de lui!!!
En ce moment, à la
veille de la reprise des négociations, le climat est orageux! Le mouvement est
en train de faire boule de neige. Le gouvernement Charest est-il en train
d’échapper le ballon? A-t-il toujours les deux mains sur le volant? Les positions et les actions de la droite ont-ils toujours la cote?
Michel Huot, sociologie, CBA
[1] « L'offre du gouvernement du
Québec aux étudiants » In Le
Huffington Post Québec, En ligne. http://quebec.huffingtonpost.ca/2012/04/27/offre-charest-etudiants_n_1459134.htm. Page consulté le 28 mai 2012.
[2] «
Entente concernant le Conseil provisoire des universités ». En ligne. http://www.droitsdescolarite.com/data/docs/Entente_Etudiante_2012-05-05.pdf,
Page consulté le 5 mai 2012.
[3]
Assemblée Nationale, « Projet de loi n°78 : Loi permettant aux étudiants
de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau
postsecondaire qu'ils fréquentent». En ligne.
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-78-39-2.htm.
Page consulté le 18 mai 2012.
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