Il y a déjà plusieurs années, une enseignante
d’université m’avait proposé de poursuivre mes études universitaires sans
devoir passer par le collégial. Bien que cette occasion se soit présentée à
moi, je n’ai pas hésité à choisir les études collégiales d’abord et les études
universitaires, ensuite. Plusieurs me diraient que ma mère qui enseignait au
collégial a eu un rôle important à jouer dans cette décision. Je
répondrais : « fort probablement, et heureusement… » Apprendre
n’est pas une mince affaire et cela demande des efforts importants et constants
de la part d’un étudiant, et ce, même s’il a de la facilité au secondaire. À la
lecture d’un communiqué de presse et de la grille de cours du programme en
sciences humaines qui sera proposé au Collège Mérici dès l’été prochain,
plusieurs questions surgissent en moi.
Ferais-je le même choix aujourd’hui? Faire un
DEC en deux ans ou plutôt m’inscrire dans un collège où je pourrais faire mon
DEC en moins de temps. Je réponds sans hésitation, la même chose, et voici
pourquoi.
Premièrement, la plupart des récits sur les
études collégiales dont j’ai eu la chance d’être témoin au cours de ma vie ont
toujours été composés d’un aspect scolaire (apprendre, s’instruire, s’éduquer),
et d’un aspect d’expériences de vie. Dirais-je même d’un aspect important sur le
passage de l’adolescence à l’âge adulte? Selon moi, les études collégiales sont
importantes tant pour les apprentissages qui sont sanctionnés par un diplôme
que pour les apprentissages informels qui y sont réalisés.
Deuxièmement, après avoir lu la grille de
cours composée d’heures restreintes et compris le caractère intensif d’un programme
sur un an, pouvons-nous concevoir qu’un étudiant, aussi brillant soit-il,
retirât tous les apprentissages de qualité auxquels il pourrait s’attendre?
Imaginons un instant que cet étudiant n’arrive pas avec la même maturité à
l’université. Est-ce que le caractère intensif de ce programme garantit qu’un
transfert adéquat des apprentissages sera réalisé? Est-ce qu’un développement
suffisant des compétences (savoirs, savoir-faire et savoir-être) est
envisageable? Est-ce qu’une fois sur le marché du travail ces étudiants seront
pénalisés, car ils auront une année de scolarité en moins? Seront-ils préparés
adéquatement au métier d’étudiant à l’université?
D’autres questions subsistent par rapport aux
enseignants : Est-ce que les enseignants seront précaires seulement?
Est-ce que ceux-ci seront davantage des pourvoyeurs d’exercices (pondération
1-2-3)? Comment les tâches seront-elles
faites? Combien d’enseignants accepteront ses conditions? Combien de
préparations différentes pourront-ils assumer?
En fait, il faut noter que la plupart des
programmes intensifs universitaires ont souvent une composante de transfert des
apprentissages prévue dans leur grille de cours. Dans la plupart des cas, ce
rôle est joué par plusieurs stages pratiques qui permettent aux étudiants de
confronter leurs apprentissages plus théoriques et formels aux apprentissages
plus pratiques et informels. Peut-être, est-ce l’élément essentiel pour qu’un
programme intensif fonctionne?
De plus, plusieurs enseignants restent
impliqués dans un rôle de soutien ou d’accompagnement pour les étudiants qui
sont en stage et d’autres se consacrent à leur rôle de chercheur.
Enfin, j’ai bien réussi tout au long de mes
études secondaires, collégiales et universitaires et j’ai côtoyé d’autres personnes
qui réussissaient très bien aussi. Pour moi, il est clair que ce programme
intensif ne m’aurait pas tenté et je pense également que mes collègues de
classe de l’époque n’y auraient pas plus trouvé leur compte.
Bref, je me demande qui est cet étudiant prêt
à payer un fort prix, partant pour étudier jour et nuit, à l’aise de financer
ses études sans avoir le temps de travailler, conscient du fait qu’il devra
sacrifier sa vie sociale et capable de réussir l’ensemble de ses cours… Il n’est
fort probablement, ni un étudiant potentiel d’un programme préuniversitaire en
sciences humaines, ni un étudiant potentiel d’un programme en sciences de la
nature. En fait, cet étudiant ressemble à une exception que nous avons rarement
rencontrée dans notre vie.
Je conclurais en disant que peu importe qui
nous sommes, il faut se donner le temps d’apprendre, et que pour un étudiant
préuniversitaire au collégial, il n’aura qu’une seule occasion de vivre ses
deux belles années au collégial.
Jonathan Fontaine
Chef de projets et responsable du programme de Sciences humaines
(300.A0)
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