vendredi 30 novembre 2012

La première journée d'étude du RSHCQ aura lieu à Québec, le 11 janvier 2013.

Journée d’étude RSHCQ 11 janvier 2013

Cégep Garneau

Pas facile d’être prof en Sciences humaines… complainte injustifiée ou dure réalité?

Nous le savons d’expérience, nous l’avons tous ressenti à un moment ou l’autre… Il est parfois dur d’être prof… particulièrement en Sciences humaines… Étudiants peu intéressés, difficiles à motiver, pas toujours très talentueux… gestion classe parfois ardue, quantité de correction assommante, qualité de travaux décevante, moyenne de groupe et taux d’échec décourageants...
À cela se sont ajoutés au fil du temps de plus en plus d’étudiants avec des exigences particulières : les clientèles dites émergentes… Par ailleurs, le nombre de réunions est important, les responsabilités envers les programmes se sont accrues, des services professionnels sont désormais attendus. Bref en Sciences humaines, la tâche est lourde et cela ne semble vraiment pas reconnu. En outre, l’image de notre programme est malmenée et on doit aussi porter le stéréotype du prof de cégep dont le travail est une sinécure...
Or que savons-nous vraiment du niveau de difficulté relié à notre métier? Existe-t-il des données objectives à ce sujet? Il y a bien eu une étude menée par un comité paritaire patron/syndicat qui a tracé un portrait de la profession enseignante, réalisée dans le cadre d’une collaboration entre nos syndicats et la table patronale. (Enseigner au collégial, Portrait de la profession. Mars 2008) http://www.fneeq.qc.ca/fr/cegep/Textes_telecharges/ComiteParitaireProfENSMars2008_Vers_finale.pdf Force est de constater que la réalisation de ce portrait a permis de dégager une liste d’opérations qu’un enseignant peut ou doit accomplir dans le cadre de ses responsabilités. Cette liste est intéressante et assez complète, mais elle ne nous apprend pas grand-chose sur les conditions dans lesquelles ces tâches s’effectuent et sur la nature du lien professionnel que nous avons avec nos étudiants et nos collègues. Finalement, que savons-nous réellement de la condition enseignante et en particulier, que savons-nous du travail réalisé par des profs de sciences humaines?
Cette réflexion sur le manque de données concrètes sur notre travail a amené l’exécutif de RSHCQ à souhaiter réaliser une sorte de collecte de données, un peu à la manière des groupes de discussion « focus group » pour documenter nos pratiques, afin d’être éventuellement capable d’étayer nos perceptions des exigences de notre métier. Plusieurs d’entre nous sont convaincus que le niveau de difficulté associé à la profession d’enseignant en sciences humaines est très élevé, étant donné les types d’étudiants que nous desservons et le nombre d’étudiants que nous devons soutenir et encadrer. Cette affirmation est souvent niée par nos collègues des autres programmes, qui eux aussi, ont des étudiants problématiques et réalisent des tâches complexes… Reste que…
L’objectif de cette première journée d’étude serait d’amorcer une forme de démarche de recherche qui viserait à documenter nos pratiques et à construire un portrait plus juste de notre réalité. À terme, ce projet permettait notamment d’identifier les irritants les plus importants, ce qui pourrait éventuellement se transformer en une forme de plateforme de discussions et de revendications…
Étant donné les effets de la grève qui se font encore sentir, particulièrement dans la région de Montréal, la journée d’étude se réaliserait en deux temps, une première séance au Cégep Garneau le 11 janvier, pour les personnes de la région de Québec à qui cela convient comme lieu et comme moment de l’année. Les enseignants de toutes les disciplines de sciences humaines sont les bienvenus. Nous commencerons la journée en réfléchissant avec Maurice Angers, l’un des rédacteurs du programme actuel, à l’évolution de ce programme. Des choix ont été faits au fil du temps, notamment pour répondre à certaines critiques et tenter de le bonifier. Cet historique nous permettra aussi de situer un des éléments importants du cadre dans lequel s’effectue notre enseignement.
Cet exercice ne sera pas une thérapie collective… mais cela risque tout de même de nous faire du bien, individuellement et collectivement… En plus, cela fera avancer la science… Alors, c’est un rendez-vous!!!
RSHCQ

Cégep Garneau, 11 janvier à compter de 9 h.
Salle A-2090 (Salle des Sciences humaines)
Pour vous inscrire, voir la fiche disponible sur ce blogue.

Fiche d'inscription - journée d'étude du RSHCQ

RÉSEAU DES SCIENCES HUMAINES DES COLLÈGES DU QUÉBEC (RHSCQ)

Journée d’étude d’hiver – Région de Québec

Fiche d’inscription – 11 janvier 2013

Date limite d'inscription : 8 janvier 2013

Nom :_____________________________________________________________
Collège (cégep) :____________________________________________________
Adresse courriel :______________________ @___________________________
Discipline enseignée : _________________________________
Paiement :
Veuillez faire le paiement à l’ordre du RSHCQ
Envoyer avant le 5 janvier 2013 à :
Réseau des Sciences humaines des collèges du Québec
A/S M. J.-Louis Vallée, trésorier
Centre d’études collégiales de Montmagny
115, boulevard Taché Est
Montmagny (Québec) G5V 1B9
Je serai présent à la journée d’étude
Ci-joint mon chèque au montant de 50$
Je serai absent de la journée d’étude, mais je paie ma cotisation annuelle
Ci-joint mon chèque au montant de 25$
Un reçu vous sera émis à la suite de votre paiement

Horaire de la journée et ordre du jour de l'assemblée générale

RÉSEAU DES SCIENCES HUMAINES DES COLLÈGES DU QUÉBEC (RHSCQ)
Journée d’étude d’hiver – Région de Québec
Date : Vendredi 11 janvier 2012
Lieu : Cégep Garneau, 1660 boulevard de l’Entente, Québec
Salle A-2090 (Salle des Sciences humaines)
Horaire de la journée
9h00 Accueil des participants
9h30 Ouverture de la journée
v Mot de bienvenue
v Mot de la présidente (Claire Denis)
9h45 Conférence de M. Maurice Angers
L’histoire du programme de Sciences humaines dans les cégeps
10h30 Pause
10h45 Atelier 1 : Les difficultés rencontrées quotidiennement en classe
12h00 Dîner
12h30 Assemblée générale (voir l'avis de convocation et l'ordre du jour ci-bas )
14h00 Atelier 2 : Les difficultés associées à la gestion des départements et des programmes
15h00 Pause
15h15 Atelier 3 : Conditions de travail et rayonnement du programme : pistes d’action
16h00 Fin de la journée (suite en juin au Collège Édouard-Montpetit)
________________________________________________________________________
SCIENCES HUMAINES DES COLLÈGES DU QUÉBEC (RHSCQ)
Assemblée générale – 11 janvier 2013
Par la présente, vous êtes cordialement invités à participer à l'assemblée générale
du Réseau des Sciences Humaines des Collèges du Québec (RSHCQ)
qui se tiendra le vendredi 11 janvier 2013 au Cégep Garneau
local A-2090 (Salle des Sciences humaines).

Ordre du jour
1.Lecture et adoption de l’ordre du jour
2.Lecture et adoption du procès verbal du 24 mai 2011
3.Rapport des activités :
a.Rapport de la présidente
b.Rapport du responsable du blogue
4.Rapport financier
5.Mise en place des comités de soutien
6.Cotisation des membres
7.Projet de cours complémentaire par l’APHCQ
8.Orientations du Réseau pour l’année 2013-2014
9.Élections (à finaliser en juin)
10.Autres questions :
a.
b.
c.
11.Ajournement de l’assemblée (à juin 2013) (16h00)


Claire Denis, présidente du RSHCQ

vendredi 16 novembre 2012

Quel avenir pour le programme des sciences humaines ?


Quel avenir pour le programme des sciences humaines ?

Les sciences humaines et l’avenir de leur enseignement inquiètent.  Partout dans le monde, on s’interroge. Par exemple, au Royaume-Uni, l'Académie des sciences sociales a lancé une campagne de financement pour faire une promotion de valorisation des sciences sociales (http://www.campaignforsocialscience.org.uk ). Aux États-Unis, à la demande du Sénat et de la Chambre des Représentants, l'Académie américaine des Arts et des Sciences a mis sur pied en 2010 la Commission sur les Humanités et les Sciences Sociales pour analyser l’avenir de ces disciplines. (http://www.humanitiescommission.org) En France, le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) a entrepris une démarche sur l’avenir des sciences humaines et sociales. (http://www.ciep.fr/ries/ries49.php ).

Je crois que partout où on s’interroge,  on constate que les sciences humaines forment un vaste champ de «connaissances molles» dont on ne sait pas trop quoi en faire. Je dirais ici que quatre visions s’affrontent :

1.      Les sciences humaines sont un patrimoine important de connaissances académiques ; il faut le transmettre afin de former des érudits…

2.     Les sciences humaines se positionnent comme la conscience critique qui pose son regard sur la société contemporaine ; il faut former des analystes au regard critique.

3.     Les sciences humaines constituent le cadre de la culture générale que chaque homme devrait posséder pour devenir un bon citoyen.

4.     Les sciences humaines forment une espèce d’ingénierie sociale au service de la collectivité. Cette instrumentalisation des sciences humaines amène la formation de techniciens dans divers métiers spécialisés.

Au Québec, on n’échappe pas à ces visions. Elles façonnent nos contenus de cours, déterminent notre pédagogie. Au niveau secondaire, avec le renouveau pédagogique, on a carrément tablé pour la vision de la culture générale et de la formation du bon citoyen. Il faut saluer cette décision.
Au niveau collégial, le programme des sciences humaines vise à :

rendre l'étudiant ou l'étudiante apte à poursuivre des études universitaires dans les grands domaines des sciences humaines, du droit, des sciences de l’éducation et des sciences de l’administration, par une formation scientifique basée sur l’acquisition et l’intégration de connaissances et de méthodes de diverses disciplines des sciences humaines.
Ainsi donc, le programme doit d’abord et avant tout transmettre le patrimoine important de connaissances académiques des sciences humaines. Il n’est pas là pour former des analystes à l’esprit critique ou encore des « ingénieurs sociaux ». Laissons les universités jongler avec ces visions.

Transmettre le patrimoine des sciences humaines est une tâche colossale. Cela implique qu’on bâtisse un programme qui embrasse très large. Il faut d’abord initier les étudiants aux théories, aux lois générées par les diverses disciplines : économie, géographie, histoire, politique, psychologie, sociologie, etc… Est-ce bien réaliste ? Il faut aussi initier les étudiants à l’esprit scientifique et aux méthodes que cela implique. Et finalement, il faut marier les deux, connaissances théoriques et méthodes scientifiques. Ce sont carrément les travaux d’Hercule, reconnaissons-le.

Le programme de sciences humaines tel que déployé dans nos collèges parvient-il à ses fins ? À la sortie du collège, nos étudiants peuvent-ils expliquer quelques théories ? Ont-ils développé leur esprit scientifique ? Avons-nous les outils pour mesurer ces phénomènes ? Ces questions se posent…

Avant de répondre à ces questions, il faut d’abord regarder les conditions objectives dans lesquelles le programme de sciences humaines est offert. Je dirais qu’en premier lieu, il faut s’intéresser à qui on offre le programme. Nos étudiants ! Combien sont réellement motivés ? Combien sont là de passage – en attendant de trouver leur voie ?

En fait, bien que la « fonction manifeste » des sciences humaines soit de transmettre un patrimoine important de connaissances académiques, j’ai parfois l’impression que le programme sert aussi de carrefour aux indécis, aux non décidés pas assez forts pour aller en sciences nature, aux «drop in», etc… J’ai parfois l’impression que le programme de sciences humaines a aussi une « fonction latente » importante dans le réseau collégial : accueillir des clientèles diverses atterries en sciences humaines «par défaut».

À la Commission de l’évaluation de l’enseignement collégial (CEEC), on a reconnu l’éclectisme de la clientèle du programme  et son impact sur sa qualité:

Les élèves qui s’inscrivent en Sciences humaines au collégial arrivent avec des résultats au secondaire très variables, ils n’ont pas développé les mêmes habitudes de travail scolaire, ni la même motivation à l’égard des études, plusieurs ont une bonne idée de leur orientation future et de nombreux autres sont incertains de cette orientation, quand ils ne choisissent pas le programme par défaut. Cette diversité dans la préparation et l’orientation des élèves se reflète sur le taux de diplomation et sur la qualité du programme.[1]

Étant donné la place particulière des sciences humaines dans notre système d’éducation et dans la société,  avons-nous les conditions pour attirer de bons étudiants et bien servir ceux que nous avons (notamment ceux qui choisissent ce programme par défaut…) ? Étudier en sciences humaines au cégep, est-ce encore une voie attrayante et pertinente? Être professeur en sciences humaines, est-ce mission impossible?   

Lors d’une journée d’études qui pourrait se tenir en janvier, nous aborderons ces questions. Pour de plus amples informations, prochainement sur le blogue, vous pourrez prendre connaissance du programme de la journée.



[1]     Commission de l’évaluation de l’enseignement collégial (CEEC). L’évaluation du programme de Sciences humaines au collégial,  [ En ligne ], 27 octobre 1997,   http://www.ceec.gouv.qc.ca/fr/gen/CommuniqueTexte/ComScHumaines.pdf, (page consulté le 15 novembre 2012)

vendredi 9 novembre 2012

LE QUÉBEC ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE


LE QUÉBEC ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

L’amélioration se manifeste par le changement.

Le Québec peut être fier d’avoir eu, pendant 9 ans, un gouvernement qui a fait preuve d’ouverture face au développement durable : il a fait adopter à l’unanimité la Loi sur le développement durable (2006), il a amélioré les lois et règlements sur la gestion des matières résiduelles ainsi que les normes d’émissions de gaz à effet de serre pour les véhicules automobiles, etc. Bref, sur papier, nous avions une bonne équipe cependant la mise en œuvre et l’application de ces nouveautés législatives se sont avérées plutôt floues, voire même discrétionnaires. Bien qu’il ait disposé de tout le temps et la latitude nécessaire, le gouvernement aurait pu passer davantage de la parole aux actes.

Le nouveau gouvernement, quoique minoritaire, a démontré dès le début de son mandat une détermination remarquable à bien vouloir appliquer les trois piliers du développement durable. En effectuant un virage à 1800, cette nouvelle gouvernance prend le beau risque d’essayer de combler les besoins de la société québécoise sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs, et ce, autant au niveau environnemental, social qu’économique.

De prime abord, quel honorable cadeau que de sortir une nation du nucléaire! N’oublions pas que Gentilly-II a déjà généré des milliers de tonnes de déchets radioactifs entreposés sur place et dont la durée de vie dangereuse se calcule quelques fois en dizaines de milliers d’années. Une réfection estimée à 4,3G$ afin de préserver 800 emplois??? Le calcul est simple : 5 375 000$ par emploi sauvé! En avons-nous les moyens et surtout en avons-nous réellement besoin? Cette centrale, arrêtée depuis juillet dernier suite à de nombreuses fuites d’eau lourde, ne représentait que 3% de l’électricité québécoise.

Il faut également souligner la tout aussi responsable décision d’interdire toute exploration et exploitation du gaz de schiste. Ces activités auraient définitivement contaminé des quantités pharaoniques d’eau et mis du même coup en péril les sources d’approvisionnement en eau potable de la population autant en qualité qu’en quantité. Toutefois, puisque les problèmes de contamination déjà identifiés ailleurs dans le monde sont davantage liés à la technique d’exploitation qu’à la ressource elle-même, le moratoire imminent devrait, en plus d’interdire l’exploration et l’exploitation de cette ressource fossile, empêcher toute fracturation hydraulique sur le territoire québécois.

Que dire maintenant de la mine Jeffrey? Il faut se rappeler que le 18 janvier 2011 les directions de la santé publique (DSP) des 18 régions sociosanitaires du Québec répétaient à monsieur Clément Gignac l’existence du lien causal scientifiquement reconnu entre l’exposition à l’amiante chrysotile et l’incidence de l’amiantose, du mésiothéliome et du cancer du poumon. Combinée avec le désir de l’Organisation Mondiale de la Santé de bannir cette substance fibrogène et cancérogène, cette recommandation de la DSP aurait dû inciter l’ancien gouvernement à annuler la garantie de prêt de 58M$ promis à la mine. Et pourtant! Il a fallu attendre le changement de garde du 4 septembre dernier pour voir nos élus prendre cette décision, difficile certes, mais combien salvatrice pour tout humain digne de ce nom.

Du point de vue social, le nouveau gouvernement s’est empressé, à notre grand soulagement, d’écouter la position des étudiants, indignés par une augmentation sauvage de 75% des frais de scolarité en 5 ans et d’abroger la loi 12 qui, selon la Commission des droits de la personne, « portait atteinte […] aux libertés de conscience, d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association » énoncées dans la Charte. En conjuguant cette mesure à la disparition graduelle de la taxe santé de 200$ par année, il appert que nos élus cherchent vraiment à diminuer les inégalités sociales plutôt qu’à les exacerber.

Le poids de ces mesures sociales et environnementales sera assumé par la frange de la société civile la plus apte à le faire : les mieux nantis. Pour ceux et celles gagnant plus de 130 000$ par année, le taux d’imposition passerait de 24% à 28% tandis que pour ceux et celles dont le revenu annuel dépasse le quart de million de dollars, ce taux serait fixé à 31%.

En ajoutant ces mesures à une révision du calcul des redevances minières, on peut s’attendre à ce que ces annonces ne fassent pas l’unanimité. Combien seront-ils à revendiquer le titre de riches indignés? Aucune idée, mais ils seront sûrement moins nombreux que les étudiants du «printemps érable» et que les indignés du printemps dernier. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir qu’ont ces gens à conserver pour eux la richesse qui devrait être mieux répartie et surtout qui ne devrait pas provenir d’une détérioration éhontée de notre écosystème.

Quand un changement vise à améliorer le sort d’une majorité nécessiteuse au détriment d’une minorité déjà grassement sclérosée en respectant davantage notre écosystème, il mérite au moins d’être encouragé.

Marie-Claude Pelchat, philosophie CBA

Nicolas Rochette, mathématiques, CBA

mercredi 7 novembre 2012

Accroissement de la recherche dans les cégeps : des enjeux importants à soupeser

Accroissement de la recherche dans les cégeps : des enjeux importants à soupeser

Le dernier congrès de la Fédération des cégeps, tenu à Québec les 24 et 25 octobre et intitulé Les cégeps, moteurs de recherche, a examiné la question de l’élargissement et du renforcement de la mission de recherche au niveau collégial. Les cégeps font de la recherche pédagogique depuis au moins 40 ans. Ils ont également donné naissance aux Centres collégiaux de transferts de technologie et de pratiques novatrices (CCTT) dont les premiers sont apparus il y a 30 ans. Actuellement, dans le réseau, l’on trouve 40 CCTT qui effectuent de la recherche et du transfert technologique et six CCTT en pratiques sociales novatrices (PSN), tous membres du Réseau Trans-tech :  http://reseautranstech.qc.ca/   Ainsi, une authentique tradition de recherche est apparue dans plusieurs collèges et elle s’exprime à travers une quantité appréciable de projets financés par différents programmes : PAREA, PART, etc.

Si l’enseignement demeure la mission centrale des cégeps, un accroissement des activités de recherche aura nécessairement un impact significatif sur la structure et le fonctionnement du réseau collégial. Lors du congrès, une table ronde a été organisée pour discuter des motifs qui poussent la Fédération des cégeps à souhaiter prendre cet important virage. Pourquoi effectuer davantage de recherche dans les cégeps, quel type de recherche y faire et comment? Un impressionnant panel a été réuni pour en débattre : Luc Desautels, président de l’Association pour la recherche au collégial (ARC); Yves Gingras, historien et sociologue des sciences, UQAM;  Hélène P. Tremblay, ex-sous-ministre adjointe à l’enseignement supérieur (MELS) et ex-présidente du Conseil de la science et de la technologie; Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec; Jean Trudelle, ex-président de la FNEEQ et professeur de physique; le tout animé par Michel Venne de l’Institut du Nouveau Monde (INM). 

Si cette avenue de travail paraît fort alléchante et prometteuse, reste que ce virage ne s’effectuerait pas sans risques. Parmi les enjeux soulevés lors de la discussion, il y a celui de voir les cégeps se transformer en une pâle imitation des universités. En renforçant la dimension recherche, qu’est-ce qui distinguerait désormais les cégeps des universités? La tension que l’on observe dans les universités entre la mission d’enseignement et celle de la recherche se reproduirait-elle au collégial? L’un des reproches fréquemment entendus au sujet des universités québécoises est le peu d’intérêt que l’on semble accorder à l’enseignement. Les étudiantes et étudiants de premier cycle sont-ils vraiment bien servis dans un modèle qui fait une large place à la recherche? Les cégeps ne risqueraient-ils pas de tomber dans le même piège? Par ailleurs, historiquement, les fonds de recherche sont généralement attribués à des détenteurs de doctorat. Pour développer la recherche au collégial, il faudrait modifier les règles de certains programmes de soutien à la recherche pour les rendre davantage accessibles aux détenteurs de maîtrise. Cela aurait-il un impact sur la qualité ou le type de recherche autorisé? Quels impacts cela aurait-il également sur la tâche des enseignants, qui serait nécessairement à réévaluer? Ne risquerions-nous pas de voir apparaître deux classes de professeurs? Par ailleurs, une autre question se posera inévitablement : comment financer suffisamment la recherche au collégial à une époque où la plupart des institutions publiques crient famine?  D’où viendront les fonds? Par delà ces enjeux, les intervenants étaient assez d’accord pour dire que, si la recherche se développe davantage au collégial, il faudra qu’elle le fasse avec sa spécificité propre, tant dans le type de recherche à privilégier que dans la manière de le faire.


Les arguments favorables à l’expansion de la recherche dans les cégeps sont assez évidents : soutien au développement régional, production d’innovations technologiques, rôle actif dans la croissance économique, développement d’une expertise riche et d’une main-d'œuvre très qualifiée, capacité d’attraction et de rétention de divers spécialistes vers les cégeps, financement accru des activités collégiales, visibilité plus grande des cégeps, contribution à l’essor de la société québécoise… Toutefois, un certain nombre d’enjeux également importants à soupeser n’ont pas été abordés clairement. Par exemple, si le secteur privé y investit davantage, quels types de liens se tisseront entre le réseau collégial public et les entreprises privées? Qu’arrivera-t-il lorsque des innovations lucratives auront été mises au point? Comment se partager les redevances? Dans le présent univers techno-industriel, où l’innovation peut se transformer en profit, quelle place fera-t-on aux sciences humaines et à des domaines comme les arts ou la philosophie? Seront-ils encore les parents pauvres de la recherche, comme on le constate dans les universités? Pour toutes ces raisons, il y a clairement matière à avancer prudemment.

En somme, voici quelques enjeux importants qui se posent autour de l’accroissement de la recherche au collégial:

-          Maintien de la spécificité de l’ordre collégial…
-          Développement d’une approche originale, différente des universités…
-          Maintien de la priorité à l’enseignement, en évitant notamment que les étudiants ne fassent les frais du développement de la recherche…
-          Évaluation de l’impact sur la tâche des enseignants et des tensions possibles autour de l’apparition d’un statut de chercheur créant deux classes de professeurs…
-          Embauche de personnel qualifié en recherche… 
-          Définition des liens entre les institutions d’enseignement et les entreprises collaborant ou bénéficiant des travaux de recherche…
-          Définition du partage des redevances, le cas échéant (Éviter le « public risk, private profit »)… 
-          Poursuite de la tradition de la recherche pédagogique…
-          Croissance probable du secteur technique…
-          Place qui sera faite à la recherche liée aux sciences humaines, aux arts, aux lettres et à la philosophie…

Maintenant que cette pratique est établie, elle croitra sur sa lancée, inévitablement. Reste à veiller à ce que cette transformation de l’ordre collégial demeure positive et profite à tous.

Claire Denis
Cégep de Sherbrooke

dimanche 4 novembre 2012

Arts et lettres en Culture et communication; un camouflet au programme de Sciences humaines


Arts et lettres en Culture et communication;
un camouflet au programme de sciences humaines

Tout le monde le moindrement informé dans le petit monde collégial le sait : le programme d’Arts et lettres est en révision et un  projet quasiment final a été déposé. Il est tard pour réagir puisque selon l’échéancier déterminé par le MELS, le programme réformé aurait dû être adopté cet automne.[1] Mais il est encore temps, du moins espérons-le.
Le processus de révision du programme a suivi son cours normal. On a demandé aux universités quelles étaient leurs attentes. On a consulté les acteurs impliqués dans le programme. Le Comité-conseil du programme d’Arts et lettres a dû être impliqué à toutes les étapes du processus... À la suite de ces consultations, et après des discussions probablement animées, on a fini par bâtir le projet de réforme qu’on connaît. Ainsi, Arts et lettres deviendrait Culture et communication![2]
Pour avoir passé par là en sciences humaines, on sait que les attentes des universités ont un poids très importants dans la décision de réformer un programme pré-universitaire. Regardons donc les attentes des universités, attentes très légitimes évidemment. De prime abord, on constate qu’elles concernent beaucoup les sciences humaines. Ainsi, lorsqu’on consulte le document sur le Profil attendu par les universités chez les diplômées et diplômés d’Arts et lettres, on lit dès le premier point l’attente suivante :
 
La personne diplômée est apte à exploiter des connaissances générales et des éléments de culture en lien avec les disciplines du programme Arts et lettres (histoire, géographie, littérature, politique, actualité, arts, philosophie, anthropologie, etc.)[3]

Allô?! Histoire, géographie, politique, anthropologie, n’est-ce pas là des disciplines des sciences humaines ?  Combien de cours d’histoire les étudiants d’Arts et lettres suivent-ils dans leur programme ? Combien de cours de géo, de politique, d’anthropologie ?
Ou bien on a l’intention d’intégrer dans le programme Culture et communication de vrais cours de sciences humaines, ou bien on se moque des sciences humaines.  Ou bien, on a erré!
Dans le deuxième point, on lit ceci : «La personne diplômée est apte à exploiter des connaissances disciplinaires spécifiques de base liées aux domaines des arts, des lettres et langues, des sciences de l’éducation et des sciences humaines.»[4]
Une fois de plus, on sollicite les sciences humaines! Super! Ou bien on a l’intention d’intégrer dans le programme Culture et communication de vrais cours de sciences humaines, ou bien on se moque des sciences humaines.  Ou bien, on a erré!
Choses certaines cependant, les universités semblent être vraiment préoccupées par le fait que les étudiants qui arrivent dans leurs facultés devraient avoir des notions de base en sciences humaines. Cela devrait faire partie de leur bagage culturel.
Vérifions maintenant comment se traduisent ces attentes des universités dans les Objectifs et standards du programme révisé. Verra-t-on l’apport important des sciences humaines apparaitre dans le programme réformé ? Je ne suis pas sûr! 
On sait d’abord que les étudiants de Culture et communication pourront peut-être suivre quelques cours complémentaires en  sciences humaines. Je dis peut-être car nous savons que les cours complémentaires en sciences humaines sont noyés dans une mer de six domaines d’études différents.
En ce qui a trait à la formation spécifique du programme, on a formulé 5 objectifs communs au programme :
XX00 : Expliquer les caractéristiques essentielles d’un champ culturel dans une perspective sociohistorique.
XX01 : Appliquer des méthodes permettant l’étude en culture et communication.
XX02 : Critiquer des objets culturels.
XX03 : Analyser des enjeux historiques et nationaux en culture et communication.
XX04 : Démontrer l’intégration personnelle d’acquis en culture et communication.[5]
Les compétences 00 et 03 s’apparentent à mes yeux à des sciences humaines. En fait, on est en plein dans le champ des sciences humaines! On a juste à regarder les critères de performance de chacune de ces compétences pour se rendre à l’évidence…

01
·        Utilisation appropriée de concepts et de méthodes propres à l’analyse sociohistorique et socioculturelle.
03
·        Utilisation appropriée de concepts et de méthodes propres à l’analyse sociohistorique et socioculturelle.
·        Identification appropriée du processus de légitimation culturelle. [6]

Voilà donc… Il y a là matière à introduire dans ce programme réformé au moins un cours d’histoire et un cours de sociologie. Ce serait bien cela de pris! Est-ce prévu? Je ne crois pas que ce soit l’intention des acteurs de ce programme d’introduire des cours de sciences humaines. Pourtant, il me semble que ça devrait être le cas.
Maintenant, comme professeur œuvrant dans le programme de Sciences humaines,  je me sens coincé. Introduira-t-on véritablement des cours de sciences humaines dans le programme de Culture et communication? Je le souhaite ardemment – au moins autant que les universités!
Et s’ils introduisent vraiment des cours de sciences humaines dans ce programme, seront-ils donnés par des profs patentés ayant  le diplôme dans la discipline? Je ne crois pas – non plus.  Pourtant, on ne fait pas donner des cours de génie civil par des profs spécialistes en travail social! Et on ne fait pas donner des cours propres au travail social par des ingénieurs! Alors, pourquoi les cours de sciences humaines devraient être enseignés par des spécialistes de la littérature?
Par respect pour les disciplines de sciences humaines,  je crois qu’il faut réagir à ce projet. S’ils n’introduisent pas de cours de sciences humaines dans le programme «Culture et communication», ce sera quasiment un détournement de réforme. Les universités s’y attendent! Et s’ils en introduisent (ce qui me surprendrait!), il faudra veiller à ce qu’ils soient donnés par des profs réputés compétents pour le faire. Sinon, c’est irrespectueux!
J’espère simplement que le programme intitulé «Culture et communication»  n’est pas uniquement un exercice de marketing fait dans le but d’attirer une clientèle qui se dirige traditionnellement en sciences humaines. Ce serait se moquer des sciences humaines… et on aurait erré!!!

Michel Huot, secrétaire du RSHCQ



[1] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT, Travaux de révision  du programme d’études préuniversitaires  arts et lettres (500.a1), année 2012, [En ligne], http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/COMITE/3fev2012.pdf (Page consultée le 31octobre 2012)
[2] Note : Que voilà un beau profil du programme de sciences humaines!
[3] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT,  Profil attendu par les universités chez les diplômées et diplômés d’Arts et lettres, Québec, 2012.
[4] IBIDEM
[5] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT, Culture et communication -programme d’études préuniversitaires - 500.xx (PROJET), Québec, 2012, p. 13.
[6] IDEM., p. 17 et 21.