Ouf…
une période intense de correction se termine… Au fil des ans, après avoir
expérimenté toutes sortes de stratégies pour tenter d’alléger cet aspect
important de notre métier, corriger demeure toujours un exercice lourd et
exténuant. Lorsqu’on y réfléchit, l’évaluation des productions étudiantes mobilise
de nombreuses habiletés intellectuelles… physiques aussi! C’est également une
opération capitale pour nos étudiantes et étudiants, puisque c’est une forme de
rémunération à l’effort investi et, pour ceux et celles qui aspirent à des
programmes contingentés, la note reçue constitue un enjeu très important.
Mis
à part les maux de cou et de dos que cet acte professionnel engendre presque à
tout coup, pourquoi chaque épisode de correction reste-t-il généralement si épuisant?
Parmi les facteurs explicatifs qui viennent spontanément à l’esprit, il y a la
question de la quantité de travaux exigés… Se pourrait-il que l’on en demande
trop? Certains experts en pédagogie pensent que oui… et suggèrent quelques
stratégies pour alléger ce fardeau : réduire le nombre de travaux écrits,
recourir à l’autoévaluation, réduire la longueur des travaux… http://cll.qc.ca/Publications/Trip/Trip-12.pdf D’ailleurs, les professeurs de sciences humaines
ne sont pas les seuls à souffrir de la lourdeur de cette tâche… De nombreux
enseignants de la formation générale s’en plaignent également. Des recherches
sont menées pour tenter de rendre cet acte plus efficace.
http://www.cdc.qc.ca/parea/786967_roberge_correction_andre_laurendeau_article_PAREA_2008.pdf D’autres collègues
se tournent vers les TIC pour tenter de moderniser et de dynamiser le tout… http://www.profweb.qc.ca/index.php?id=3486&L=0
Or
tous ces bons conseils et astuces sont-ils appropriés à l’enseignement des
sciences humaines? Les genres de travaux qui contribueraient à réduire la
charge de correction satisfont-ils les attentes de formation nécessaires à la
plupart des programmes universitaires et, à terme, aux professions reliées aux sciences
humaines? Cette question de fond sur les objectifs d’apprentissages et les cibles
de formation en sciences humaines suscite généralement beaucoup de discussion.
Certains professeurs vous diront que ce sont les connaissances qui priment…
d’autres, des habiletés diverses (méthodes de travail intellectuel, analyse,
sens critique…) et d’autres encore, la capacité d’écriture et de structuration
de la pensée. En outre, les travaux demandés doivent mesurer adéquatement les
apprentissages attendus… Évidemment, la nature des travaux affecte directement
la charge de correction. Par exemple, est-ce que chaque copie sera évaluée
selon une grille d’analyse complexe ou sera-t-il possible de juger de la
réponse en un seul coup d’œil?
De
ces discussions sur les cibles d’apprentissages, il se dégage parfois des consensus, comme
celui de développer le sens critique ou de parfaire les habiletés d’écriture… Tous
les collègues vous diront également que les cégeps doivent former de futurs
professionnels compétents… Mais comment atteindre des objectifs aussi ambitieux
sans les faire travailler sur des habiletés de fond comme celles reliées à la
capacité d’articuler une pensée claire et étayée? Comment ne pas les faire
écrire, chercher, traiter de l’information, débattre, argumenter, étayer leur
point de vue… Tout cela exige de les faire écrire dans toutes sortes de
contexte et de leur donner une rétroaction pertinente qui leur permettra de
s’améliorer…
Nous
voici au nœud gordien… Pour
arriver à atteindre cet objectif de soutien au développement d’habiletés
intellectuelles complexes, dont celles de la maîtrise de l’écriture et de la
structuration de la pensée, il faut y consacrer beaucoup de temps, tant pour
ceux qui produisent les travaux que pour ceux qui les corrigent… Certes les
trucs d’autocorrection ou d’appui sur les pairs peuvent parfois faciliter le
travail et l’alléger… Or le contexte et les conditions d’exercice de cette
tâche rendent inévitables ces intenses périodes de correction. La seule façon
de les réduire, c’est de donner moins de travaux ou de faire des évaluations du
type objectif… L’approche par compétence semble proscrire les évaluations du
type objectif, étant donné les situations d’apprentissage complexes qu’elle
présuppose. http://www.fse.ulaval.ca/gerard.scallon/valise_bep2/formeval.pdf
On
recommande de réserver les évaluations objectives aux évaluations formatives…
Alors que faire? Que faire aussi pour éviter ce « fardeau » lorsqu’on
a 160 étudiants ou plus??? Encore ici, il semble que la solution réaliste soit de
réduire la quantité des évaluations… :-) Est-ce possible de conserver des cibles
d’apprentissages de qualité dans ce contexte? La plupart des professeurs
refusent de réduire le nombre d’évaluations; certains s’autorisent bien
quelques évaluations objectives, histoire de garder la tête hors de l’eau, mais
corriger moins semble signifier, pour la majorité des profs, rogner sur
la qualité de la formation… Alors?
Comment trouver l’équilibre? Corriger,
ce n’est ni du gâteau ni de la tarte… et en Sciences humaines, pour arriver à
bien préparer nos diplômés à l’université, la maîtrise de l’écriture et de
nombreuses habiletés intellectuelles complexes est incontournable. Les
étudiants doivent pouvoir exercer ces habiletés et les mettre en pratique de
façon régulière. Cela exige notamment de concevoir un attirail pédagogique pour
les inciter à écrire régulièrement et les amener à faire des travaux longs. Ces
cibles de formation élevées finiront généralement par préparer adéquatement les
étudiants aux études supérieures. En prime, les habiletés acquises en Sciences
humaines en feront fort probablement des citoyens critiques et de futurs
professionnels compétents!
D’une
manière générale, les professeurs de Sciences humaines font écrire beaucoup
leurs étudiants et corrigent des tonnes de copies… Dans les gros cégeps, ils se
retrouvent face à des masses d’étudiants en classe et dans les petits cégeps, devant
de nombreuses préparations de cours… On n’y échappe pas. Il y a peut-être bien
quelques solutions pédagogiques pour atténuer ce problème… mais permettez-moi
d’en douter… Les professeurs acceptent cet état de situation comme on accepte
le mauvais temps… Ils estiment normale cette lourde tâche. Se pourrait-il que
leur grand professionnalisme les empêche d’évaluer objectivement la situation? Que
l’on soit victimes d’une forme de surconformité? Il faudrait peut-être y songer
sérieusement en période de négociations et revendiquer haut et fort quelques
améliorations au calcul de notre tâche, pour qu’on reconnaisse enfin cette situation,
ni bonne pour le programme, ni pour personne… Pensons-y…
En
attendant, peut-être que vous avez des solutions à proposer à vos collègues… Comment
corriger moins sans rogner sur la qualité de la formation? Avez-vous des remèdes
à partager?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire