Cours en études
québécoises ou cours d’histoire du Québec en formation générale ? Options
et enjeux à soupeser...
L’arrivée d’un
cours portant sur le Québec contemporain, qu’il adopte un caractère strictement
historique ou une perspective faisant appel à d’autres champs disciplinaires, engendrera des avantages et des écueils, quelle
que soit l’option qui sera retenue. Le
choix qui résultera des consultations qui s’amorcent aura nécessairement des
impacts sur les programmes et sur la composition du personnel. Pour ceux qui connaissent bien la
configuration et le fonctionnement des cégeps, les enjeux autour de ce changement se
discernent aisément. Ce billet vise à présenter les plus importants et à
proposer des pistes de réflexion adaptées à la réalité des sciences humaines. Mais d’abord, il est utile d’examiner
brièvement la raison d’être de ce cours, les motifs invoqués pour justifier ce changement au curriculum des cégeps.
Selon certains
analystes, c’est tout simplement la présence d’un gouvernement souverainiste
qui expliquerait ce soudain intérêt pour un cours d’histoire nationale. Pour
d’autres, dont je fais partie, les
lacunes sur le plan des connaissances et de la compréhension du Québec actuel
sont manifestes. En ce qui me concerne, je mesure session après session, par un
exercice concret, l’ampleur de ce déficit que j’oserais qualifier de culturel
et identitaire. Or, bien que l’histoire en
constitue un aspect important, on ne peut réduire cette lacune à une mauvaise
connaissance de l’histoire du Québec. Le Ministère aurait d’ailleurs pu
consacrer davantage de temps à mieux documenter et à justifier cette
modification significative au Règlement sur
le régime des études collégiales (RREC). En admettant d’emblée le bien-fondé de ce
constat et la pertinence d’y remédier, la question qui en découle n’est plus
uniquement de savoir si un cours d’histoire constitue le remède à ce déficit. C’est
clairement une solution intéressante et pertinente. Toutefois, en toute
objectivité, il faut également se demander si c’est la seule solution à ce malaise.
À l’évidence, on peut admettre qu’un cours du type « études québécoises »,
« sciences sociales » ou « humanités» constituerait tout
autant une réponse adéquate au problème soulevé. On peut donc affirmer d’entrée
jeu que les deux options sont viables, bien qu’aucune ne résoudra entièrement le
problème. En l’occurrence, elles comportent toutes deux des enjeux et des
écueils significatifs à soupeser. En voici quelques-uns.
Dans le cas d’un
cours avec une approche strictement consacrée à l’histoire du Québec
contemporain, les professeurs d’histoire y gagneront nettement sur le plan du
rayonnement de leur discipline et sur le plan des emplois que cela générera. Par
contre, il y aura clairement des effets pervers à cette option. D’abord, les cégeps qui offrent déjà un cours
d’histoire du Québec en Sciences humaines ou en complémentaire les abandonneront.
Ensuite, la disparition d’un cours complémentaire risque de générer des mises
en disponibilité (MED) et il est clair que les cours transdisciplinaires
serviront de tampon pour en résorber les effets. Les professeurs d’histoire
risquent donc de se voir exclu, du moins pour un temps, du bassin des cours
transdisciplinaires. En outre, il est
probable aussi que certains d’entre eux finissent par enseigner le même cours
indéfiniment... Par ailleurs, diverses questions autour de la cohérence des
programmes et de leur gestion se poseront. Ainsi, on peut penser que l’ajout d’un cours d’histoire obligatoire
en formation générale affectera, le cas échéant, le caractère obligatoire du
cours de civilisation occidentale en Sciences humaines. Il est à prévoir que
l’on plaide pour une éventuelle modification du statut de ce cours. Que dire
aussi de l’impact d’une croissance importante et soudaine du nombre de
professeurs d’histoire sur ses relations avec les autres disciplines ou
départements du programme Sciences humaines? Des déséquilibres sont à prévoir
avec les tensions qui les accompagneront inévitablement. D’un autre point de
vue, comment se déroulera l’intégration de ce cours à la formation générale?
Quel accueil lui réservera-t-on? Que dire aussi de la disponibilité de
ressources compétentes qu’il faudra dénicher sur une très brève période? Une
embauche massive dans le cadre des conventions collectives actuelles risque
fort d’avoir quelques effets pervers... En définitive, les gains attendus pour la
discipline histoire seront peut-être moins intéressants qu’on ne l’anticipe.
L’autre option, souhaitée
par plusieurs professeurs en sciences humaines, prendrait la forme d’un cours offert
par plusieurs disciplines (un peu comme la 22N en Sciences humaines) ou encore
du type « humanités » comme dans les collèges anglophones. Ce modèle
aurait notamment l’avantage d’atténuer les effets négatifs sur les disciplines
et le personnel. Au regard de nos gestionnaires, c’est très probablement le
choix le moins couteux à envisager. Or
il y a aussi des écueils à prévoir autour de cette option. Si ce cours est jugé
important, il lui faudra atteindre l’objectif et le standard attendus. Est-ce
que toutes les disciplines peuvent honnêtement le concevoir sans présenter un
contenu trop spécialisé ou encore, tordre l’objectif initial (mal défini, on en
convient) jusqu’à en perdre le sens et à la pertinence? Également, il ne faut
pas oublier que nos étudiantes et étudiants ont des programmes très chargés,
lourds et qu’ils sont déjà assez rébarbatifs à la formation générale, surtout
dans les programmes techniques. Ce cours obligatoire doit apporter quelque
chose de plus et de différent de ce qu’ils auront vu au secondaire. Si l’aspect
historique est nécessaire à la compréhension du Québec contemporain, comme le
libellé actuel de compétence le propose,
il faudra que les personnes sélectionnées pour l’enseigner aient les
compétences requises. Localement, il sera absolument nécessaire de veiller à ce
que les cours qui seront bâtis demeurent pertinents et rencontrent la cible (à
mieux définir, il faut le répéter...). Que les personnes qui obtiennent le
privilège de l’enseigner fassent la preuve qu’ils sont capables d’en respecter
l’esprit. Cela implique une gestion décentralisée
bien encadrée, avec une équipe de direction et un comité de la formation
générale bien au fait des intentions du cours. De ce point de vue, un cours
offert par une seule discipline ou par un nombre restreint de disciplines
risquerait peut-être moins de s’éloigner de ses visées.
D’autres enjeux,
également source de tensions significatives, sont à anticiper. En l’occurrence,
la disparition d’un cours complémentaire aura des effets sur le personnel de
plusieurs programmes et, dans certains collèges, sur des professeurs de la
formation générale. En fait, tous ceux dont la tâche est constituée de cours
complémentaires. Avec un seul cours complémentaire restant, on pourrait
imaginer qu’il soit redonné aux programmes et que chacun d’entre eux en fasse ce
qu’ils jugeront pertinent. Présentement, dans plusieurs cégeps, les cours
complémentaires sont servis à toutes les sauces : centre d’aide, formation
d’appoint, cours de préparation à l’international... Ils servent aussi à
stabiliser du personnel. En leur
accordant cette latitude, cela redonnerait de l’oxygène aux programmes qui se
plaignent de surcharge et atténuerait significativement les effets négatifs
associés aux tâches. En Sciences
humaines, il pourrait être utilisé, selon les profils, pour resserrer la
formation, tout en y conservant un cours au choix, à l’intérieur du programme,
au besoin. C’est un pensez-y-bien...
En terminant, si
l’on estime que ce cours constitue une amélioration de la culture générale de
nos étudiantes et étudiants, peu importe la décision qui sera prise, il semble
que nous aurions avantage à soutenir son arrivée. Si l’on insiste uniquement
sur les avantages ou les inconvénients reliés aux tâches, on perd un peu de vue
la question de fond. Bon nombre de nos collègues ne sont pas convaincus de la
pertinence de ce cours, alors la partie n’est pas gagnée. Il est encore
possible que tout cela tombe. Lors de la journée d’étude du 16 janvier, ces
options seront discutées, avec l’espoir de dégager quelques consensus et de
mieux nous préparer aux consultations locales.
Bon débat!
Claire Denis
Présidente du RSHCQ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire