mercredi 8 janvier 2014

Cours en études québécoises ou cours d’histoire du Québec en formation générale ? Options et enjeux à soupeser...


Cours en études québécoises ou cours d’histoire du Québec en formation générale ? Options et enjeux à soupeser...

L’arrivée d’un cours portant sur le Québec contemporain, qu’il adopte un caractère strictement historique ou une perspective faisant appel à d’autres champs disciplinaires,  engendrera des avantages et des écueils, quelle que soit l’option qui sera retenue.  Le choix qui résultera des consultations qui s’amorcent aura nécessairement des impacts sur les programmes et sur la composition du personnel.  Pour ceux qui connaissent bien la configuration et le fonctionnement des cégeps,  les enjeux autour de ce changement se discernent aisément. Ce billet vise à présenter les plus importants et à proposer des pistes de réflexion adaptées à la réalité des sciences humaines.  Mais d’abord, il est utile d’examiner brièvement la raison d’être de ce cours, les motifs invoqués pour justifier  ce changement au curriculum des cégeps.

 Selon certains analystes, c’est tout simplement la présence d’un gouvernement souverainiste qui expliquerait ce soudain intérêt pour un cours d’histoire nationale. Pour d’autres, dont je fais  partie, les lacunes sur le plan des connaissances et de la compréhension du Québec actuel sont manifestes. En ce qui me concerne, je mesure session après session, par un exercice concret, l’ampleur de ce déficit que j’oserais qualifier de culturel et identitaire.  Or, bien que l’histoire en constitue un aspect important, on ne peut réduire cette lacune à une mauvaise connaissance de l’histoire du Québec. Le Ministère aurait d’ailleurs pu consacrer davantage de temps à mieux documenter et à justifier cette modification significative au Règlement sur le régime des études collégiales (RREC).  En admettant d’emblée le bien-fondé de ce constat et la pertinence d’y remédier, la question qui en découle n’est plus uniquement de savoir si un cours d’histoire constitue le remède à ce déficit. C’est clairement une solution intéressante et pertinente. Toutefois, en toute objectivité, il faut également se demander si c’est la seule solution à ce malaise. À l’évidence, on peut admettre qu’un cours du type « études québécoises », « sciences sociales »  ou « humanités» constituerait tout autant une réponse adéquate au problème soulevé. On peut donc affirmer d’entrée jeu que les deux options sont viables, bien qu’aucune ne résoudra entièrement le problème. En l’occurrence, elles comportent toutes deux des enjeux et des écueils significatifs à soupeser. En voici quelques-uns.

 Dans le cas d’un cours avec une approche strictement consacrée à l’histoire du Québec contemporain, les professeurs d’histoire y gagneront nettement sur le plan du rayonnement de leur discipline et sur le plan des emplois que cela générera. Par contre, il y aura clairement des effets pervers à cette option.  D’abord, les cégeps qui offrent déjà un cours d’histoire du Québec en Sciences humaines ou en complémentaire les abandonneront. Ensuite, la disparition d’un cours complémentaire risque de générer des mises en disponibilité (MED) et il est clair que les cours transdisciplinaires serviront de tampon pour en résorber les effets. Les professeurs d’histoire risquent donc de se voir exclu, du moins pour un temps, du bassin des cours transdisciplinaires.  En outre, il est probable aussi que certains d’entre eux finissent par enseigner le même cours indéfiniment... Par ailleurs, diverses questions autour de la cohérence des programmes et de leur gestion se poseront. Ainsi, on peut penser  que l’ajout d’un cours d’histoire obligatoire en formation générale affectera, le cas échéant, le caractère obligatoire du cours de civilisation occidentale en Sciences humaines. Il est à prévoir que l’on plaide pour une éventuelle modification du statut de ce cours. Que dire aussi de l’impact d’une croissance importante et soudaine du nombre de professeurs d’histoire sur ses relations avec les autres disciplines ou départements du programme Sciences humaines? Des déséquilibres sont à prévoir avec les tensions qui les accompagneront inévitablement. D’un autre point de vue, comment se déroulera l’intégration de ce cours à la formation générale? Quel accueil lui réservera-t-on? Que dire aussi de la disponibilité de ressources compétentes qu’il faudra dénicher sur une très brève période? Une embauche massive dans le cadre des conventions collectives actuelles risque fort d’avoir quelques effets pervers... En définitive, les gains attendus pour la discipline histoire seront peut-être moins intéressants qu’on ne l’anticipe.

L’autre option, souhaitée par plusieurs professeurs en sciences humaines, prendrait la forme d’un cours offert par plusieurs disciplines (un peu comme la 22N en Sciences humaines) ou encore du type « humanités » comme dans les collèges anglophones. Ce modèle aurait notamment l’avantage d’atténuer les effets négatifs sur les disciplines et le personnel. Au regard de nos gestionnaires, c’est très probablement le choix le moins couteux à envisager.  Or il y a aussi des écueils à prévoir autour de cette option. Si ce cours est jugé important, il lui faudra atteindre l’objectif et le standard attendus. Est-ce que toutes les disciplines peuvent honnêtement le concevoir sans présenter un contenu trop spécialisé ou encore, tordre l’objectif initial (mal défini, on en convient) jusqu’à en perdre le sens et à la pertinence? Également, il ne faut pas oublier que nos étudiantes et étudiants ont des programmes très chargés, lourds et qu’ils sont déjà assez rébarbatifs à la formation générale, surtout dans les programmes techniques. Ce cours obligatoire doit apporter quelque chose de plus et de différent de ce qu’ils auront vu au secondaire. Si l’aspect historique est nécessaire à la compréhension du Québec contemporain, comme le libellé actuel de compétence le propose,  il faudra que les personnes sélectionnées pour l’enseigner aient les compétences requises. Localement, il sera absolument nécessaire de veiller à ce que les cours qui seront bâtis demeurent pertinents et rencontrent la cible (à mieux définir, il faut le répéter...). Que les personnes qui obtiennent le privilège de l’enseigner fassent la preuve qu’ils sont capables d’en respecter l’esprit.  Cela implique une gestion décentralisée bien encadrée, avec une équipe de direction et un comité de la formation générale bien au fait des intentions du cours. De ce point de vue, un cours offert par une seule discipline ou par un nombre restreint de disciplines risquerait peut-être moins de s’éloigner de ses visées.

 D’autres enjeux, également source de tensions significatives, sont à anticiper. En l’occurrence, la disparition d’un cours complémentaire aura des effets sur le personnel de plusieurs programmes et, dans certains collèges, sur des professeurs de la formation générale. En fait, tous ceux dont la tâche est constituée de cours complémentaires. Avec un seul cours complémentaire restant, on pourrait imaginer qu’il soit redonné aux programmes et que chacun d’entre eux en fasse ce qu’ils jugeront pertinent. Présentement, dans plusieurs cégeps, les cours complémentaires sont servis à toutes les sauces : centre d’aide, formation d’appoint, cours de préparation à l’international... Ils servent aussi à stabiliser du personnel.  En leur accordant cette latitude, cela redonnerait de l’oxygène aux programmes qui se plaignent de surcharge et atténuerait significativement les effets négatifs associés aux tâches.   En Sciences humaines, il pourrait être utilisé, selon les profils, pour resserrer la formation, tout en y conservant un cours au choix, à l’intérieur du programme, au besoin.  C’est un pensez-y-bien... 

 En terminant, si l’on estime que ce cours constitue une amélioration de la culture générale de nos étudiantes et étudiants, peu importe la décision qui sera prise, il semble que nous aurions avantage à soutenir son arrivée. Si l’on insiste uniquement sur les avantages ou les inconvénients reliés aux tâches, on perd un peu de vue la question de fond. Bon nombre de nos collègues ne sont pas convaincus de la pertinence de ce cours, alors la partie n’est pas gagnée. Il est encore possible que tout cela tombe. Lors de la journée d’étude du 16 janvier, ces options seront discutées, avec l’espoir de dégager quelques consensus et de mieux nous préparer aux consultations locales.  

 Bon débat!

 Claire Denis
Présidente du RSHCQ


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