Dans
le cadre de la révision – actuellement en cours – du programme de
Sciences humaines, le RSHCQ invite les professeurs et personnes-ressources en
Sciences humaines à faire part de leurs commentaires, idées ou questionnements.
Pour
lancer la discussion, voici la lettre de Dominic Roy, du Cégep régional de Lanaudière
à Terrebonne, qui a souhaité réagir aux orientations souhaitées par les
universités à l’égard des Sciences humaines au collégial.
N’hésitez
pas à déposer vos propres commentaires à la suite de ce texte.
* * *
J'ai pris connaissance des
comptes rendus des travaux du Réseau des sciences humaines des collèges du
Québec (RSHCQ) et d’un document de la Commission des affaires pédagogiques
(CAP) touchant le nouveau devis. J'ai été surpris d’apprendre que les
universités désiraient une formation
plus générale de nos étudiants de Sciences humaines: caractère
universel et fondateur, des bases disciplinaires et transdisciplinaires,
apprendre à apprendre, etc.
Nous, le Cégep régional de
Lanaudière à Terrebonne (CRLT), sommes présentement en évaluation programme (l’évaluation
ayant débuté à l’automne 2015) et nous avons sondé 363 étudiants (diplômés,
étudiants de 2e et 1re année), 18 enseignants et quelques
conseillers d’orientation de la Commission scolaire des Affluents (bassin
d’étudiants du secondaire qui viennent étudier au CRLT). De façon unanime, nous
arrivons au même constat: les
étudiants désirent avoir un profil moins général et plus spécialisé (plus de
cours associés à leur programme d’études universitaires). En
d’autres mots, plus
un profil est bien orienté, plus les étudiants le choisissent.
En analysant les
corrélations entre le nombre des nouveaux inscrits dans nos trois profils de Sciences
humaines et le nombre des nouveaux inscrits dans les autres programmes du
collège, nous avons observé des coefficients de corrélation négatifs significatifs
entre le profil Administration et le programme Techniques de comptabilité et
gestion (TCG), puis entre le profil Individu/Monde et l’ensemble des programmes
techniques (donc plus il y a d’inscriptions dans les programmes techniques,
moins il y a d’inscriptions en sciences humaines, et inversement).
De plus, les conseillers
d’orientation des commissions scolaires de notre région nous ont confirmé (nos
analyses statistiques arrivent aux mêmes résultats) que les étudiants du
secondaire qui désirent poursuivre leurs études collégiales en sciences
humaines choisissent les cégeps où les profils sont les mieux orientés (plus
spécialisés), les profils qui correspondent le mieux à leurs objectifs d’études
universitaires. Enfin, si les universités désirent davantage d’étudiants ayant
une bonne formation générale, pourquoi existent-ils de plus en plus de passerelles
DEC-BACC ?
Il me semble qu’il y a une
contradiction entre nos résultats statistiques et les conclusions du « Comité-conseil
en Sciences humaines ». Je crois sincèrement que le Comité-conseil va dans
la mauvaise direction. De toute façon, si nous allons avec des suggestions qui
vont vers des programmes où la formation est encore plus générale, nous allons
continuer de perdre de plus en plus d’étudiants (les demandes d’admission au 1er
tour du SRAM ont diminué de 17 % entre 2012 et 2016).
Dominic Roy
Enseignant en économique au Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne (CRLT)
Enseignant en économique au Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne (CRLT)
Ici, j’ai discuté avec quelques collègues et nous aimons l’idée des profils plus généraux que précis. C’est ce que nous avons et nous y croyons. Oui, nos futurs étudiants veulent des profils spécifiques, mais nous croyons que c’est bon de leur offrir une pluralité de disciplines à découvrir. Ils sont en exploration, ils pensaient peut-être aller en psychologie (sans avoir fait aucun cours de psychologie avant) et ils vont peut-être découvrir leur intérêt pour l’anthropologie ou la politique. De plus, j’ai croisé un professeur d’université il y a quelques semaines et il me parlait justement du manque de connaissances générales des étudiants dans son programme.
RépondreSupprimerManon L.
CD et enseignante en géographie au Cégep de Saint-Laurent
Je suis tout à fait d'accord avec Monsieur Roy du collège de Lanaudière. Les étudiants préfèrent des profils mieux orientés, plus ciblés, avec plus de cours d'approfondissement et d'applications que des cours trop généraux d'Initiation. Les passerelles DEC BAC sont une avenue intéressante à cet effet. La pluralité des disciplines est importante, tout en offrant plus de choix aux étudiants et plus de cours d'approfondissement. La possibilité d'approfondir un champ d'étude qui intéresse les étudiants serait une avenue à considérer pour favoriser la rétention et la motivation de nos étudiants.
RépondreSupprimerEnseignante au cégep de Saint-Laurent (dépt Sciences humaines)
Sommes-nous dans une approche clientèle comme nos directions le veulent en s'efforçant d'attirer des étudiants au détriment des autres ou dans une approche étudiant cherchant à former le citoyen de demain ayant une culture générale solide? Aussi, c’est un programme préuniversitaire avec des étudiants qui n'ont, pour la plupart, aucune idée de ce qu'est la psychologie, l'anthropologie, la sociologie, la science politique et même l'économie et l'administration. Comment peut-on croire qu'ils puissent être en mesure de faire un choix éclairé sur leur carrière à 16 ans? Laissons-leur la possibilité de mieux connaître les sciences humaines. Sans complètement éliminer un peu de spécialisation, une initiation à toutes les disciplines des sciences humaines me semble un incontournable. Une année d'initiation et une autre d'approfondissement pour quelques disciplines me semblent une avenue beaucoup plus cohérente avec les objectifs d'un programme de sciences humaines préu.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerÀ mon avis, les collèges devraient revenir à la finalité première du programme de sciences humaines qui est de préparer les étudiants aux études universitaires dans les grands domaines des sciences humaines. Pour différents motifs, dont celui de considérer l’avis des étudiants, il y a eu une dérive vers le clientélisme et une espèce de finalité du marché du travail (l’utilitarisme). Ceci ne correspond pas aux besoins des étudiants et les fait passer à côté de possibilités d’ouvrir leurs horizons dans un monde de plus en plus complexe.
Je suis davantage favorable à un parcours souple, qui permet à l'étudiant de sortir de sa zone de confort et d’explorer. L’étudiant devrait pouvoir s’initier au plus grand nombre de disciplines possible, puis faire quelques approfondissements ou applications seulement
J’appuie mon point de vue sur les arguments suivants : rien n’indique que nous ne sommes pas parvenus à bien former les étudiants par le passé; au cégep de Sainte-Foy, de nombreux étudiants du programme actuel (près de 40%) sont inscrits dans le profil Découverte qui est un profil plus ouvert; les programmes universitaires ne demandent qu’un DEC pour s’inscrire dans leurs programme avec parfois des prérequis de math, de bio ou de MQ+; les attentes des universités quant à un profil de sortie des étudiants du collégial sont claires : que les connaissances des étudiants soient améliorées et qu’ils développent une bonne méthode de travail; les demandes d’admission à l’université Laval illustrent quant à elles deux choses : une grande dispersion des demandes dans les programmes offerts, plusieurs font des demandes dans des programmes majeurs (droit, RI, comm) pour lesquels nous ne pouvons rien offrir de structurant au collégial.
Ce que je déplore par-dessus tout avec certains profils fermés c’est ceci : on dirait que l’on veut éviter que les étudiants ne commettent l’irréparable dans leur cheminement, soit de faire le choix de la «mauvaise discipline». «Mauvaise» voulant dire qu’ils perdent leur temps à étudier ça. Parfois à entendre certains collègues, j’ai vraiment cette impression : comment aménager nos profils fermés pour éviter que l’étudiant ne commette une erreur? À mon sens, on sacrifie beaucoup ici sur l’autel de l’approche orientante.
François Lafrenière, professeur de civilisations anciennes au programme de sciences humaines du Cégep de Sainte-Foy