À la suite de
l'article "Le DEC en sciences humaines n'a pas la cote", paru dans La Presse du samedi 26 août, le RSHCQ
a souhaité s'exprimer plus en détails, dans les journaux, à ce sujet. L'article
"Valoriser les sciences humaines" a été publié dans Le Devoir le samedi 2 septembre
dernier (La Presse n'a pas fait
paraître notre réplique). Voici sa version intégrale et un complément graphique
concernant les demandes d'admission au SRAM. Si vous avez des commentaires,
n'hésitez pas !
« Et pourtant elle tourne », aurait prononcé
Galilée, défendant – en vain –, la théorie selon laquelle la Terre
tourne autour du Soleil. Alors que La
Presse titrait récemment « Le DEC en sciences humaines n’a pas la
cote », la paraphrase s’impose : « Et pourtant… elles sont
essentielles ». Pour ne s’en tenir qu’à l’actualité récente, l’histoire,
la sociologie, la politique, par exemple, s’avèrent indispensables pour mieux comprendre
les affrontements récents se produisant tantôt ici (immigration et réfugiés),
tantôt aux États-Unis (monuments confédérés).
Et
pourtant… dans la région de Montréal, moins d’étudiants et d’étudiantes sont
tentés par des études en sciences humaines au collégial. Les inscriptions cet
automne sont en baisse de 3,6% et depuis 2012, on compte près de 2000 demandes
d’admission en moins (voir la tendance dans le graphique ci-dessous). Le DEC
préuniversitaire en sciences humaines demeure le programme regroupant le plus
de cégépiens et cégépiennes, mais moins d’élèves du secondaire s’y intéressent
quand il s’agit d’entreprendre des études collégiales.
Sources :
Service régional d’admission du Montréal métropolitain (SRAM), Le rapport annuel, 2004-2005 à
2015-2016, https://www.sram.qc.ca/le-sram/le-rapport-annuel.
La
situation démographique est certes responsable de la baisse du nombre
d’étudiants et d’étudiantes dans les cégeps cet automne et ces dernières années
également, les naissances ayant diminué à la fin des années 1990 et au début
des années 2000. Mais la natalité au Québec ne peut expliquer à elle seule le
sort des sciences humaines : d’autres facteurs sont en jeu.
Et
s’il était aussi question de la faible valorisation des sciences humaines et
sociales auprès des élèves du secondaire ? Il est dans l’ère du temps de
faire des études « utiles », qui sauront conduire les futurs
étudiants et étudiantes vers des professions ou des domaines d’emploi où on
peut déjà estimer les salaires. Il persiste encore le préjugé selon lequel les
sciences humaines sont bien trop « molles » (par opposition aux
sciences « dures ») pour mener à quelque chose de concret, vers un
avenir prometteur. Ces dernières années, bien des magazines, journaux et
travaux de recherche et d’enquête ont souligné que les bonnes perspectives
d’emploi ne seraient pas offertes qu’aux diplômés des sciences et technologies,
mais également aux diplômés universitaires en sciences humaines (relation
d’aide, ressources humaines, administration, enseignement, etc.).
Et
pourtant… combien de jeunes de 16 et 17 ans se laissent convaincre de ne pas
étudier en sciences humaines au cégep et de préférer un programme
préuniversitaire leur offrant tous les préalables nécessaires pour étudier là
où ils le désireront à l’université. Plusieurs vont pourtant opter pour le
droit ou l’administration, sinon l’histoire ou la géographie, bref vers
plusieurs programmes universitaires qui, sauf exceptions, ne requièrent aucun
préalable du collégial. En vérité, rares sont les facultés exigeant un
préalable pour accéder aux sciences humaines et sociales au premier cycle
universitaire. Mais cette « souplesse » de la part des universités ne
valorise en rien le DEC en sciences humaines, bien au contraire ! Et si le DEC
en sciences humaines, sinon une partie de ses cours, était un prérequis pour
étudier en sciences sociales à l’université ? Nos collègues professeurs
d’université observent bien souvent, en première session, que parmi leurs
étudiants et étudiantes les mieux préparés, tant sur le plan méthodologique que
des savoirs, un bon nombre sont diplômés en sciences humaines au collégial.
Leur formation abonde de connaissances sur la société, la culture, l’économie,
l’histoire, sinon en psychologie, en anthropologie et elle se doit d’être mise
en valeur.
Aucun
niveau d’enseignement n’échappe ici à la critique : les cégeps eux-mêmes
sont en partie responsables du déclin des sciences humaines. La concurrence
étant forte entre les collèges, des programmes plus spécialisés, aux contenus
originaux (Histoire et civilisation, Sciences, lettres et arts, etc.) se sont
développés et ont pu, en partie, séduire des étudiants et étudiantes qui
seraient naturellement aller vers les sciences humaines. Tel un marché de
l’éducation, la segmentation s’est opérée. Dans certains cégeps, le programme de
sciences humaines s’est parfois lui-même redéfini sous forme de profils
d’études identifiant des professions de choix (droit, psychologie, éducation),
ce qui est certes porteur de sens pour certains, indécis ou inquiets quant à
leur avenir. Or l’avenir des sciences humaines au collégial ne réside peut-être
pas dans la spécialisation à outrance mais dans leur capacité à s’unir pour
éclairer, de tous leurs savoirs, un monde riche en complexités, où sont
intimement reliés les questions et enjeux auxquels les jeunes seront confrontés.
Le DEC en sciences humaines constitue, en soi, un « préalable » à
part entière. Des parents aux enseignants, sinon des médias aux élus de tous
les horizons, il nous appartient de valoriser une formation collégiale en
sciences humaines.
Sébastien Despelteau
RSHCQ
RSHCQ
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