Il y a au Québec un modèle de développement socio-économique particulier. En bon vieux langage marxiste, on traduirait «modèle québécois» par «formation économique et sociale». Hérité de la période de la Révolution tranquille, ce modèle fait appel à une implication très importante de l’État québécois dans les affaires économiques et sociales. Plus précisément, le modèle québécois s’est historiquement construit autour de la concertation entre les différents acteurs sociaux et l’État québécois : d’abord les acteurs patronaux et syndicaux, puis, plus tard, les groupes communautaires et les écologistes…
Ce modèle n’a jamais été statique – évidemment. Très schématiquement, il a connu trois phases de développement :
1.
Les années 1960
-70 : l’État-entrepreneur.
Dans les années
1960, on assiste à une modernisation accélérée de la société québécoise. Au
cœur de cette modernisation : l’intervention de l’État du Québec. L’État-providence
québécois s’articule autour de nouveaux ministères (Ministère de l’éducation,
Ministère des affaires sociales…), et de nouvelles sociétés d’État
(Hydro-Québec, Soquem, Soquia, Soquip, Caisse de dépôts et placements, Société
générale de financement, Sidbec…)
2.
Les années
1980 – 90 : l’État-partenaire
Les années 1980
s’ouvrent sur une crise économique profonde. Le chômage au Québec monte à près
de 20%. L’État reprend le bâton du pèlerin et refait de grands sommets de
concertation. Puis, prétextant la crise des finances publiques, l’État cherche
à changer de rôle. Il devient plus un partenaire qui accompagne les acteurs
économiques (patrons-syndicats, associations communautaires…) qu’un
entrepreneur. Plusieurs sociétés d’État sont privatisées. Certaines
déréglementations sont entreprises. Les Accords de libre-échange sont signés.
3.
Les années
2000 : l’État essoufflé tenté par le néo-libéralisme.
Avec l’élection
du gouvernement Charest en 2003, on assiste à plusieurs tentatives de refonte de
l’État. Sous le prétexte de l’alourdissement des déficits et de la dette
publique, on nous a servi la réingénierie de l’État, on a maltraité les
employés de l’État entrainant par le fait même une perte d’expertise dans les
ministères, on a fait appel à la sous-traitance des services publics (notamment
au Ministère des transports du Québec avec les résultats qu’on connaît!), on a
exploré les partenariats public-privé (PPP) dont celui du CHUM, on a permis, de façon bien hypocrite d’ailleurs, la
privatisation en douce d’une partie du système de santé, on a introduit la
tarification basée sur le principe de l’utilisateur-payeur, etc…
Jean Charest et Paul Desmarais jr. |
ü Des ex-ministres ou des ex-apparatchiks des partis
politiques qui se retrouvent dans des emplois prestigieux de consultants ou de
lobbyistes;
ü Les accointances entre les hommes politiques et le
monde des affaires lors de rencontres privées;
ü Le
financement «occultes» des partis politiques…
ü Tout cela créant un climat très glauque de
corruption.
Sous le gouvernement Charest, les manifestations ont été nombreuses. |
ü La lutte contre la centrale du Suroît;
ü la privatisation du Parc du Mont-Orford;
ü La lutte contre les terminaux méthaniers de Cacouna
et de Lévis (Rabaska);
ü La lutte contre le développement du nouveau casino
de Montréal dans le quartier de Pointe Saint-Charles;
ü La lutte contre le développement sauvage des gaz de
schiste;
ü Le mécontentement grandissant contre le
développement du Plan nord;
ü La révolte contre la hausse des droits de scolarité.
«We are the 99%!», le super slogan du mouvement «Occupy» |
Voilà pourquoi il est grand temps que l’État redéfinisse les rapports sociaux entre le 1% des possédants et les 99 autres. Nous sommes prêts pour une quatrième phase dans le développement du modèle québécois de régulation, celle de l’État-gestionnaire de la richesse collective, gardien du bien commun. Le jeu de la démocratie nous permet de croire que c’est possible. Pour l’instant, cependant, il n’y a aucun véhicule politique susceptible de canaliser la grogne populaire. À quand un New Deal? Faudra-t-il attendre que tout s'écroule en Europe et aux États-Unis avant d'agir?
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