Arts et lettres en Culture et communication;
un camouflet au programme de sciences humaines
Tout le monde le moindrement informé dans le petit monde collégial le sait : le programme d’Arts et lettres est en révision et un projet quasiment final a été déposé. Il est tard pour réagir puisque selon l’échéancier déterminé par le MELS, le programme réformé aurait dû être adopté cet automne.[1] Mais il est encore temps, du moins espérons-le.
Le processus de révision du programme a suivi son cours normal. On a demandé aux universités quelles étaient leurs attentes. On a consulté les acteurs impliqués dans le programme. Le Comité-conseil du programme d’Arts et lettres a dû être impliqué à toutes les étapes du processus... À la suite de ces consultations, et après des discussions probablement animées, on a fini par bâtir le projet de réforme qu’on connaît. Ainsi, Arts et lettres deviendrait Culture et communication![2]
Pour avoir passé par là en sciences humaines, on sait que les attentes des universités ont un poids très importants dans la décision de réformer un programme pré-universitaire. Regardons donc les attentes des universités, attentes très légitimes évidemment. De prime abord, on constate qu’elles concernent beaucoup les sciences humaines. Ainsi, lorsqu’on consulte le document sur le Profil attendu par les universités chez les diplômées et diplômés d’Arts et lettres, on lit dès le premier point l’attente suivante :
La personne diplômée est apte à exploiter des connaissances générales et des éléments de culture en lien avec les disciplines du programme Arts et lettres (histoire, géographie, littérature, politique, actualité, arts, philosophie, anthropologie, etc.)[3]
Allô?! Histoire, géographie, politique, anthropologie, n’est-ce pas là des disciplines des sciences humaines ? Combien de cours d’histoire les étudiants d’Arts et lettres suivent-ils dans leur programme ? Combien de cours de géo, de politique, d’anthropologie ?
Ou bien on a l’intention d’intégrer dans le programme Culture et communication de vrais cours de sciences humaines, ou bien on se moque des sciences humaines. Ou bien, on a erré!
Dans le deuxième point, on lit ceci : «La personne diplômée est apte à exploiter des connaissances disciplinaires spécifiques de base liées aux domaines des arts, des lettres et langues, des sciences de l’éducation et des sciences humaines.»[4]
Une fois de plus, on sollicite les sciences humaines! Super! Ou bien on a l’intention d’intégrer dans le programme Culture et communication de vrais cours de sciences humaines, ou bien on se moque des sciences humaines. Ou bien, on a erré!
Choses certaines cependant, les universités semblent être vraiment préoccupées par le fait que les étudiants qui arrivent dans leurs facultés devraient avoir des notions de base en sciences humaines. Cela devrait faire partie de leur bagage culturel.
Vérifions maintenant comment se traduisent ces attentes des universités dans les Objectifs et standards du programme révisé. Verra-t-on l’apport important des sciences humaines apparaitre dans le programme réformé ? Je ne suis pas sûr!
On sait d’abord que les étudiants de Culture et communication pourront peut-être suivre quelques cours complémentaires en sciences humaines. Je dis peut-être car nous savons que les cours complémentaires en sciences humaines sont noyés dans une mer de six domaines d’études différents.
En ce qui a trait à la formation spécifique du programme, on a formulé 5 objectifs communs au programme :
XX00 : Expliquer les caractéristiques essentielles d’un champ culturel dans une perspective sociohistorique.
XX01 : Appliquer des méthodes permettant l’étude en culture et communication.
XX02 : Critiquer des objets culturels.
XX03 : Analyser des enjeux historiques et nationaux en culture et communication.
XX04 : Démontrer l’intégration personnelle d’acquis en culture et communication.[5]
Les compétences 00 et 03 s’apparentent à mes yeux à des sciences humaines. En fait, on est en plein dans le champ des sciences humaines! On a juste à regarder les critères de performance de chacune de ces compétences pour se rendre à l’évidence…
01 | · Utilisation appropriée de concepts et de méthodes propres à l’analyse sociohistorique et socioculturelle. |
03 | · Utilisation appropriée de concepts et de méthodes propres à l’analyse sociohistorique et socioculturelle. · Identification appropriée du processus de légitimation culturelle. [6] |
Voilà donc… Il y a là matière à introduire dans ce programme réformé au moins un cours d’histoire et un cours de sociologie. Ce serait bien cela de pris! Est-ce prévu? Je ne crois pas que ce soit l’intention des acteurs de ce programme d’introduire des cours de sciences humaines. Pourtant, il me semble que ça devrait être le cas.
Maintenant, comme professeur œuvrant dans le programme de Sciences humaines, je me sens coincé. Introduira-t-on véritablement des cours de sciences humaines dans le programme de Culture et communication? Je le souhaite ardemment – au moins autant que les universités!
Et s’ils introduisent vraiment des cours de sciences humaines dans ce programme, seront-ils donnés par des profs patentés ayant le diplôme dans la discipline? Je ne crois pas – non plus. Pourtant, on ne fait pas donner des cours de génie civil par des profs spécialistes en travail social! Et on ne fait pas donner des cours propres au travail social par des ingénieurs! Alors, pourquoi les cours de sciences humaines devraient être enseignés par des spécialistes de la littérature?
Par respect pour les disciplines de sciences humaines, je crois qu’il faut réagir à ce projet. S’ils n’introduisent pas de cours de sciences humaines dans le programme «Culture et communication», ce sera quasiment un détournement de réforme. Les universités s’y attendent! Et s’ils en introduisent (ce qui me surprendrait!), il faudra veiller à ce qu’ils soient donnés par des profs réputés compétents pour le faire. Sinon, c’est irrespectueux!
J’espère simplement que le programme intitulé «Culture et communication» n’est pas uniquement un exercice de marketing fait dans le but d’attirer une clientèle qui se dirige traditionnellement en sciences humaines. Ce serait se moquer des sciences humaines… et on aurait erré!!!
Michel Huot, secrétaire du RSHCQ
[1] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT, Travaux de révision du programme d’études préuniversitaires arts et lettres (500.a1), année 2012, [En ligne], http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/COMITE/3fev2012.pdf (Page consultée le 31octobre 2012)
[3] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT, Profil attendu par les universités chez les diplômées et diplômés d’Arts et lettres, Québec, 2012.
[5] QUÉBEC, MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DES LOISIRS ET DU SPORT, Culture et communication -programme d’études préuniversitaires - 500.xx (PROJET), Québec, 2012, p. 13.
[6] IDEM., p. 17 et 21.
J'ai envie d'ajouter qu'il est surprenant qu'un programme dont l'un des objectifs est l'étude de la communication en comporte pas de cours de psychologie...
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerIl y a des rumeurs à l'effet que ce nouveau programme serait la référence pour tous les étudiants voulant aller en sciences de l'Éducation. Est-ce vrai? Chez nous, ceux-ci constituent une part importante de notre clientèle (et ailleurs sûrement aussi...) Il y a donc des inquiétudes...
merci
Maryse Prud'homme